Assez calmes depuis une semaine, les manifestations ont tourné au drame au Kenya. Au moins 13 personnes ont été tuées, mardi 25 juin, lors des rassemblements contre le gouvernement, a déclaré mercredi à l’Agence France-Presse (AFP), le président de la Kenya Medical Association (Association médicale du Kenya), Simon Kigondu. Il estime que le bilan de cette journée, qui a viré au chaos, est toujours provisoire.
« Jusqu’à présent, nous avons au moins 13 personnes tuées, mais ce n’est pas le chiffre définitif. (…) Nous n’avons jamais vu ça auparavant. Nous avions vu des violences en 2007 à la suite des élections, mais jamais un tel niveau de violence contre des personnes non armées », a assuré le président de la principale association professionnelle de médecins du pays.
Les journaux kényans ont aussi été choqués par les violences qui ont eu lieu au cours des manifestations. Mercredi 26 juin, le quotidien The Standard a titré son numéro « Morts, désordre », tandis que le Daily Nation a qualifié la situation de « Pandémonium » [capitale de l’enfer], estimant que « les fondations du pays ont été profondément ébranlées », avec plusieurs morts et des scènes de chaos dans le centre de la capitale, Nairobi.
Les manifestants ont d’ailleurs pris d’assaut le Parlement, une première dans l’histoire du pays indépendant depuis 1963. Mercredi 26 juin, au matin, une forte présence policière était déployée autour du bâtiment étatique, où des effluves de gaz lacrymogène flottaient encore dans l’air, a constaté l’AFP. Posté devant les barricades brisées du complexe, un policier explique à l’AFP avoir été choqué par ce qu’il a vu la veille à la télévision. « C’était de la folie, nous espérons que le calme reviendra aujourd’hui », a-t-il affirmé.
La police a tiré à balles réelles, selon des ONG
Les rassemblements, principalement menés par des jeunes, avaient pourtant débuté la semaine dernière dans le calme. Des milliers de personnes, défilant à Nairobi et dans d’autres villes du pays, protestaient contre les nouvelles taxes prévues dans le budget 2024-2025, actuellement débattu au Parlement. La tension est brusquement montée, mardi 25 juin, alors que les opposants manifestaient pour la troisième fois en huit jours.
Selon des ONG, dont la branche kényane d’Amnesty International, la police a tiré à balles réelles pour tenter de contenir la foule, qui a forcé les barrages de sécurité pour pénétrer dans l’enceinte du Parlement. Des bâtiments ont été saccagés et partiellement incendiés, notamment à Eldoret, dans la vallée du Rift, le fief du président, William Ruto. Des pillages ont également eu lieu à Nairobi et dans plusieurs villes.
Le gouvernement a, par la suite, déployé l’armée pour soutenir la police face à cette « urgence sécuritaire » et à ces « destructions et intrusions dans des infrastructures cruciales ». Dans la soirée de mardi 25 juin, le président Ruto a affiché sa fermeté en s’engageant à réprimer fermement la « violence et l’anarchie ». Il a notamment promis de faire payer les « criminels se faisant passer pour des manifestants pacifiques » qui font « régner la terreur contre le peuple, ses représentants élus et les institutions ».
Le gouvernement a été pris de court par l’intensité de l’opposition à ses projets de hausses fiscales, principalement menée par les jeunes Kényans de la génération Z (nés entre 1997 et 2010). La principale coalition d’opposition, Azimio, menée par l’opposant historique Raila Odinga, a accusé le gouvernement d’avoir « déchaîné sa force brute » contre les manifestants et exhorté la police à « cesser de tirer sur des enfants innocents, pacifiques et non armés ».
La communauté internationale « fortement » préoccupée
Le groupe d’ONG, mené par Amnesty International Kenya, a également souligné, mardi 25 juin, avoir relevé vingt et un enlèvements de personnes par des « officiers en uniforme ou en civil » au cours des vingt-quatre heures précédentes. Des accusations auxquelles la police, sollicitée par l’AFP, n’a pas réagi. Les violences et scènes de chaos à Nairobi ont alarmé les Etats-Unis et plus d’une dizaine de pays européens, ainsi que les Nations unies (ONU) et l’Union africaine (UA). Ils se sont déclarés « fortement préoccupés » par les violences et ont appelé au calme.
Le mouvement de contestation contre les taxes, baptisé « Occupy Parliament » (« Occuper le Parlement ») a été lancé sur les réseaux sociaux peu après la présentation, au Parlement, le 13 juin, du projet de budget 2024-2025. Il prévoyait notamment une taxe sur la valeur ajoutée (TVA)de 16 % sur le pain et une taxe annuelle de 2,5 % sur les véhicules particuliers. Après un début de contestation, le gouvernement, qui juge de nouvelles taxes nécessaires au vu du fort endettement du pays, a annoncé le 18 juin retirer la plupart mesures prévues à cet effet. Mais les manifestants demandent le retrait intégral du texte.
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Avant la journée de mardi 25 juin, la mobilisation avait déjà été marquée par la mort de deux personnes à Nairobi, ainsi que des dizaines de blessés et des centaines d’arrestations.