Home Monde au Nigeria, un ciné-club comme espace de réflexion politique

au Nigeria, un ciné-club comme espace de réflexion politique

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L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

Que de punchlines, d’intelligence, de vitalité intellectuelle, dans ce ciné-club de l’université d’Ibadan, dans le sud-ouest du Nigeria ! Le titre du documentaire d’Alain Kassanda, Coconut Head Generation, Grand Prix au Cinéma du réel en 2023, vise d’ailleurs à retourner le stigmate adressé à la jeunesse, selon lequel celle-ci aurait la tête dure et vide comme une noix de coco. Erreur, ils et elles ont la tête bien pleine.

La création du ciné-club Thursday Film Series est le fruit d’une rencontre entre un groupe d’étudiants et le réalisateur franco-congolais, peu avant 2020. Celui-ci vivait alors sur place avec sa compagne, anthropologue, en poste dans un centre de recherche. Le rendez-vous continue d’exister : tous les jeudis, les jeunes découvrent un film, débattent dans un cadre égalitaire (des conditions déplorables de logement, du patriarcat…). « Au Nigeria, une loi sur l’égalité des genres a été bloquée plusieurs fois », rappelle une étudiante.

Ces rencontres sont devenues une respiration dans cette université engoncée dans le conservatisme, soumise à une gouvernance peu démocratique. Né à Kinshasa, en République démocratique du Congo, ancien programmateur dans l’art et essai (au « 39 Marches », à Sevran, en Seine-Saint-Denis), Alain Kassanda connaît les vertus du cinéma pour libérer la parole. Sa caméra fluide capte des arguments qui font mouche. Par exemple, sur la restitution des œuvres d’art africaines, retenues dans des collections européennes. « Les pays africains ont-ils la capacité de les conserver ? », s’interroge un étudiant. Ce n’est pas la question, réagit un autre : « Si je te vole un truc, je ne peux pas te dire que je suis le mieux placé pour le préserver ! »

Subterfuges pour filmer

Un autre jour, ils sont accablés par les faibles perspectives professionnelles qui les attendent, et dénoncent tous ces emplois « réservés à 1 % de la population ». Une scène de remise de diplôme, avec des jeunes portant l’uniforme et le chapeau, prend une valeur mélancolique. Après la fac, certains conduisent des camions. Mais les Nigerians se la racontent, lance un étudiant pour détendre l’atmosphère : « Ici, un pompiste dira à sa meuf : “Je suis dans le pétrole.” Non, mec, tu vends de l’essence ! »

Un peu surveillé dans ses allées et venues sur le campus, le cinéaste a trouvé des subterfuges pour filmer. Caméra à l’épaule, il suit un étudiant marchant dans une allée, racontant en voix off ses déboires en tant qu’ancien président du syndicat de l’université. Il avait dénoncé les agissements de policiers qui extorquaient de l’argent aux jeunes quand ces derniers n’avaient pas leur carte d’étudiant. « C’était la faute de l’administration, qui n’avait pas délivré les cartes pendant deux semestres », dit-il. Cela fait deux ans que le syndicat étudiant est suspendu, et tout un tas d’accusations lui sont tombées dessus.

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