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Au Sénégal, des accusations de malversations financières sèment le trouble au sein de la fédération de karaté

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Depuis 1963 et son introduction au Sénégal, le karaté fait la fierté nationale. Une école de droiture pour des milliers de jeunes parmi lesquels le président, Bassirou Diomaye Faye, ou le premier ministre, Ousmane Sonko. Seulement depuis un an, le milieu des karatékas se déchire entre coups bas et retournements de situation inattendus.

Tout commence le 30 juin 2023 lors de l’assemblée générale de la fédération. Le rendez-vous annuel donne lieu à un déballage d’accusations de malversations financières visant le président de la fédération, son trésorier et le secrétaire général. Sans se douter qu’il deviendrait ainsi le premier lanceur d’alerte de cette affaire, Moussa D., maître quatrième dan, interroge en séance : « Où sont passées les primes aux athlètes ? » qui devaient être versées par le ministère des sports aux médaillés des compétitions internationales. En cause, 10 millions de francs CFA (quelque 15 000 euros) mystérieusement disparus.

Suite à ces révélations, et encouragé par l’engagement des nouvelles autorités sénégalaises à lutter sans merci contre la corruption, le président de la ligue régionale de Dakar, Bescaye Diop, rassemble des preuves et saisit l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac). Il y est auditionné le 29 juillet. « Je leur ai tout montré, relate-t-il au Monde AfriqueL’un des mis en cause, le trésorier, avait reconnu les faits et l’Ofnac dispose de cette lettre de reconnaissance signée devant témoins et huissier. »

Quelques jours plus tard, les enquêteurs multiplient les auditions, mais les instances dirigeantes de la fédération restent en fonction le temps de l’enquête. M. Diop juge toutefois que cette affaire de malversations devrait intéresser le chef de l’Etat et son premier ministre qui ont lancé des audits dans plusieurs sociétés publiques. Il alerte alors le ministre des sports le 24 juin puis le 9 septembre les bureaux du premier ministre.

Ne pas « tomber dans la délation collective »

Rien ne se passe. A ceci près que le 11 septembre, lui et quatre autres karatékas lanceurs d’alerte sont suspendus de leurs fonctions par le président de la fédération nationale, principal accusé des détournements de fonds. Selon lui, les cinq hommes seraient « démissionnaires du comité directeur de la FSKDA [Fédération sénégalaise de karaté et disciplines associées] ».

« Il aurait fallu des mesures conservatoires contre les mis en cause pour éviter de nouveaux délits, juge Jimmy Kande, responsable de la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF). Sans un bouclier protecteur, ceux qui osent porter la voix contre des pratiques illégales sont placés en position de fragilité et sont la cible de représailles. »

Annoncé pour la mi-mai par le président Diomaye Faye, le projet de loi de protection des lanceurs d’alerte a depuis été reporté sine die faute de majorité à l’Assemblée nationale. Promesse électorale, la présidence espère le faire passer après les élections législatives anticipées prévues le 17 novembre.

« Tout est prêt, assure une source à la présidence. On devait aussi trouver des équilibres importants entre une bonne loi, qui ne soit pas liberticide, et le respect du principe de présomption d’innocence sans tomber dans la délation collective. » Cette même source espère que la future loi sera aussi « un instrument de démocratie directe et de veille citoyenne sur les dépositaires des deniers publics ».

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