Home Monde Au Sénégal, l’arrivée des bus électriques entend révolutionner les transports en commun

Au Sénégal, l’arrivée des bus électriques entend révolutionner les transports en commun

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Pour se déplacer, les Dakarois avaient déjà le choix entre les Renault 1000 bariolés – les fameux « cars rapides » –, les fourgonnettes blanches surnommées « Ndiaga Ndiaye », les taxis clandestins et officiels, les pétaradants bus Tata et les triporteurs indonésiens « cak cak ». Mercredi 15 mai, un nouveau mastodonte des routes de près de vingt mètres de long, tout électrique, a débarqué sur les grands axes de la capitale sénégalaise : le Bus Rapid Transit (BRT), une flotte qui tourne le dos au diesel – une première en Afrique.

Du pied de la Grande mosquée, au sud, à Guédiawaye, au nord, une quatre-voies bétonnée a été construite spécialement pour le BRT. Un chantier titanesque, qui a duré quatre ans, entraîné l’évacuation de 3 606 ménages, selon la Banque mondiale, et suscité son lot de controverses, notamment sur des malversations dénoncées par l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac).

Mais les tracasseries, en ce jour de mise en service, sont oubliées ou presque. « Avec les bus Tata, on est serrés. Là, j’étais bien installée et j’ai mis dix minutes pour venir à Petersen [le terminus] depuis Liberté 1, beaucoup moins de temps qu’avec mon minibus habituel », s’amuse Pauline, 46 ans, malgré le vacarme du portique des sorties. Comme elle, la plupart des usagers se disent « fiers » et « satisfaits » de circuler dans ces bus silencieux et spacieux. « Abordables et rapides » aussi, précise Fatou Gueye, son ticket de 400 francs CFA (0,61 euro) en main, qui devrait lui permettre de diviser par cinq le prix de ses trajets quotidiens.

Pour la société franco-sénégalaise Dakar Mobilité, concessionnaire de la ligne durant quinze ans, BRT doit permettre, à terme, de réduire de moitié le temps de parcours des passagers. L’entreprise espère en voir 300 000 emprunter chaque jour ses véhicules chinois, à raison d’un bus toutes les six minutes. « C’est l’équivalent de l’affluence d’un métro », compare Yves Wininger, son directeur général, prenant l’exemple de celui de Bogota, qui transporte quotidiennement 2 millions de voyageurs.

Mais pour le moment, la priorité est d’éviter l’incident. Mercredi, un des bus a frôlé une femme dans le quartier de Grand Yoff. Plus loin, un véhicule a été arrêté une dizaine de minutes, ses passagers à bord. Et à Sacré-Cœur, un agent de police affecté à la circulation a fait débrancher les seize feux tricolores à l’intersection avec le BRT, car « ils fonctionnent trop bien et les feux ont créé un bouchon énorme sur les axes secondaires », expliquait-il.

Aucune passerelle pour les piétons

En fluidifiant l’un des axes majeurs de la capitale, le BRT repousse les autres véhicules sur les routes secondaires, saturées quotidiennement par 7 millions de véhicules motorisés (voiture, motos, bus) d’après les autorités. Pour les décongestionner, Malick Ndiaye, le ministre des transports, a annoncé d’ici fin mai « un projet sur plus 230 milliards de francs CFA [environ 350 millions d’euros] avec quatorze lignes de plus 1 000 bus à gaz [qui seront] des bus de rabattement pour permettre aux usagers de rejoindre le BRT et d’aller en ville ». En attendant, « il va falloir du temps pour que tout le monde trouve ses marques », précise un agent antifraude aux prises avec un portique refusant de laisser sortir les passagers.

Car tout n’est pas parfait, loin de là. Les plus de dix-huit kilomètres de circulation du BRT ne sont pas entièrement sécurisés par des garde-corps. Et malgré les 650 millions d’euros investis, aucune passerelle n’a encore été conçue pour les piétons. « On a multiplié les campagnes de sensibilisation, mais il va falloir de la répression pour sauver des vies », souligne Aymeric Durandy, directeur des opérations à Dakar Mobilité. Une compagnie de police a été spécialement créée pour sécuriser le BRT.

Avec le train express régional (TER), mis en service en 2021 entre Dakar et Diamniadio (à une trentaine de kilomètres), le BRT aujourd’hui et, demain, des bus au gaz, la capitale sénégalaise confirme son virage vers des transports plus propres, alors que la pollution atmosphérique est responsable de la mort de « 7 % des habitants », d’après une étude officielle de 2022.

« Le chantier du BRT a été un défi majeur. Pendant ces années de travaux, le trafic routier n’a pratiquement jamais été coupé alors qu’on opère sur l’un des corridors les plus denses de Dakar », rappelle Franck Taillandier, spécialiste des transports à la Banque mondiale, principal bailleur de fonds du BRT avec 370 millions de dollars (340 millions d’euros). Proparco, filiale de l’Agence française de développement (AFD), a également participé au projet, à hauteur de 85 millions d’euros.

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Désormais, dans des locaux flambant neufs de Dakar Mobilité, des centaines de jeunes recrues s’activent pour que « leur » bus soit un succès. Ils sont diplômés en relations internationales, en hôtellerie ou en médiation culturelle, grutiers ou chauffeurs de taxi devenus contrôleurs, agents de régulation ou chefs de car… « Ces nouveaux métiers n’existaient pas au Sénégal, explique Aymeric Durandy. En France, vous recrutez des compétences, ici nous sommes allés chercher des profils. »

Ex-cadre dans un grand hôtel de Saly, à 70 km au sud de Dakar, Seynabou Gueye, la cheffe adjointe du poste de commandement centralisé, abonde : « On n’y connaissait rien au transportPour nous, c’est un nouveau monde. »

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