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Au Sénégal, le gouvernement, menacé d’une motion de censure, veut dissoudre le Parlement

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Entre le gouvernement qui, cinq mois après son installation évite toute déclaration de politique générale devant l’Assemblée par peur d’être mis en minorité, et des députés restés majoritaires malgré la défaite de leur candidat Amadou Ba à la présidentielle de mars, la crise était inéluctable au Sénégal. Au lendemain du dépôt de la motion de censure par les élus de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY), le président, Bassirou Diomaye Faye, a surpris ses opposants et lancé mercredi 4 septembre la contre-attaque.

En ayant recours à l’article 84 de la Constitution qui donne « la priorité » à l’exécutif pour fixer l’ordre du jour dans l’hémicycle, le chef de l’Etat a usé de l’« arme fatale », comme l’écrivent certains journaux, pour protéger son premier ministre Ousmane Sonko et son gouvernement. Il offre ainsi un sursis à ses troupes, critiquées pour leur inaction. « Le président est resté cohérent à sa ligne, assure l’un de ses proches, Elimane Pouye. Le désaveu du premier ministre aurait été le désaveu du président. La motion de censure aurait remis en cause sa décision de nommer M. Sonko à la primature. » Cet acte de défiance aurait aussi affaibli ses soutiens alors que se dessine une probable dissolution de l’assemblée nationale à partir de la mi-septembre, suivie d’élections législatives anticipées d’ici à la fin de l’année.

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« Entre le recours à l’article 84 et la motion de censure, on assiste à une surenchère politique, juge Alassane Ndao, politologue à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis. Nous sommes dans une période de transition où les nouvelles autorités doivent décrocher une majorité à l’issue du scrutin anticipé. Elles ralentissent les débats, maîtrisent les délais et diabolisent la majorité parlementaire de Macky Sall [l’ancien président, au pouvoir de 2012 à 2024]. »

Car si Bassirou Diomaye Faye a imposé sa primauté constitutionnelle, la manœuvre n’a en rien apaisé le climat politique, électrisé ces dernières semaines par les sorties de son premier ministre contre les médias et la justice. Quelques heures avant la publication du communiqué présidentiel faisant appel à l’article 84 de la Constitution, Ousmane Sonko avait grillé la politesse au chef de l’Etat – qui fut longtemps son bras droit avant qu’il n’accède au pouvoir – en assurant qu’il n’y aurait « pas de motion de censure ».

Menaces contre les figures de l’ancien régime

Le premier ministre a aussi laissé planer la crainte d’une chasse aux sorcières à venir contre des figures de l’ancien régime. « Trois ou quatre d’entre eux ont pu s’échapper à l’étranger, a-t-il affirmé en wolof. Si on doit les chercher, on les fera revenir. » Ces menaces à peine voilées n’ont pas manqué de faire réagir les partisans de l’ex-président, absent de la scène politique depuis son départ du Sénégal, début avril.

« Ousmane Sonko est en train de clochardiser nos institutions, dénonce Moussa Diakhate, président de la commission des lois et pilier de la majorité parlementaire. Avec ses prises de position, il menace de faire voler en éclat nos institutions. Pourquoi un tel mépris ? ». Un constat partagé en dehors des rangs de BBY, notamment par Thierno Alassane Sall, candidat à la dernière présidentielle. « Jamais un pouvoir n’aura, en seulement cinq mois, cherché autant la confrontation avec les contre-pouvoirs », a-t-il fustigé sur le réseau social X.

De leur côté, les députés de BBY en profitent pour attaquer le gouvernement sur son incapacité à dévoiler ses priorités de son gouvernement devant la représentation nationale, au risque d’inquiéter les partenaires étrangers du Sénégal. « La déclaration de politique générale [DPG] est nécessaire pour travailler avec les bailleurs de fonds », rappelle le président de la commission des lois. Le flou entretenu par l’exécutif sur ses priorités budgétaires a ainsi entraîné la suspension d’un décaissement de 250 millions de dollars par le Fonds monétaire international. Hasard ou non, la DPG a refait son apparition dans l’ordre du jour de la troisième session extraordinaire de l’assemblée, ouverte jeudi 5 septembre, et pourrait être débattue le 11 septembre à en croire la conférence des présidents de l’Assemblée nationale. Mais une nouvelle manœuvre du pouvoir n’est pas exclue pour éviter les huées attendues dans l’hémicycle lors de cette session.

« L’objectif de cette séquence est la dissolution de l’assemblée pour mettre fin au blocage de l’action gouvernementale », insiste le politologue Alassane Ndao. Avec la campagne pour les législatives qui se précise, les querelles politiques devraient encore s’accentuer.

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