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Au Sénégal, une micro-usine transforme les déchets plastiques en meubles et en pavés

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Le rituel est désormais bien rodé au cœur du pôle de développement industriel du quartier Bel Air, à Dakar. Chaque jour, les machines commencent à bourdonner vers 8 heures. Les déchets plastiques en provenance de la décharge de Mbeubeuss (cinq tonnes livrées tous les deux jours) sont d’abord réduits en flocons par une broyeuse. Puis, toutes les dix minutes, le geste appliqué et répétitif, Daouda Guèye, mécanicien général de Sunu Plastic Odyssey, les déverse, dix kilos par dix kilos, dans une cuve.

Chauffé à près de 200 °C, le plastique fond instantanément. Une sorte de pâte bleue élastique ressort alors de cette étrange machine appelée « extrudeuse ». Façonnée par un moule puis plongée dans l’eau froide, la pâte devient peu à peu une planche semblable à du bois. En moyenne, Daouda Guèye en produit une cinquantaine par jour.

Inaugurée le 4 juin, cette micro-usine de recyclage est exploitée par l’organisation Plastic Odyssey, un navire-laboratoire parti de France en octobre 2022 pour un tour du monde de trois ans, avec l’objectif de partager des solutions à la pollution plastique et de développer un réseau mondial d’initiatives locales. L’usine de Dakar en est un résultat concret.

« Low tech »

Au Sénégal, l’organisation prévoit d’installer au moins dix micro-usines d’ici deux ans. Une deuxième doit voir le jour à Saint-Louis (nord-ouest) en novembre, puis une troisième à Kaolack (centre-est) début 2025. Le principe de ces micro-usines repose sur un contrat de franchise avec un entrepreneur local, une municipalité ou les deux. « L’idée est que toutes les machines nécessaires à la transformation des déchets en matériaux tiennent dans un conteneur et que l’usine se développe autour de celui-ci », précise Benoît Blancher, directeur du développement de Plastic Odyssey et PDG de Plastic Odyssey Factories.

Le coût de l’installation d’une usine varie entre 50 000 et 200 000 euros en fonction de sa taille et du type de recyclage visé. A terme, les dix usines de Plastic Odyssey au Sénégal pourraient recycler jusqu’à 5 000 tonnes de déchets par an et créer plusieurs centaines d’emplois directs et indirects. « On veut faire du petit qu’on réplique un peu partout, jusqu’à des endroits très éloignés, et que les objets recyclés soient réutilisés sur le marché local, explique Benoît Blancher. Si ça fonctionne, demain on pourrait peut-être en implanter 300 en Afrique de l’Ouest. »

A Dakar, l’usine dispose d’une unité de construction des machines, où l’extrudeuse de Daouda Guèye, dont la moitié des pièces a été importée et l’autre moitié est issue de la métallurgie locale, a été produite. « Nous misons sur un concept “low tech” [basse technologie] pour que les pièces des machines soient toujours réparables et disponibles dans le pays », indique le directeur du développement.

« Ce n’est pas vraiment une innovation en soi, nous avions déjà ce type d’usine de recyclage au Sénégal », modère Adams Tidjani, enseignant-chercheur à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar et fondateur de l’Institut des métiers de l’environnement et de la métrologie, reconnaissant toutefois que « le recyclage du plastique est encore balbutiant » et localisé dans la région de Dakar et Thiès.

Dans les rues du Sénégal, les déchets plastiques sont omniprésents. Les plages en sont jonchées et les décharges sauvages abondent. Mbeubeuss, la plus grande décharge d’Afrique, reçoit chaque jour plus de 3 000 tonnes de détritus. En 2022, un rapport du ministère de l’urbanisme indiquait que sur 250 000 tonnes de plastique générées chaque année dans le pays, seulement 30 000 sont recyclées, soit 12 %. A titre de comparaison, la France en recycle 24 %, l’Allemagne 49 %.

Menuiserie

« Multiplier les usines de recyclage, c’est bien, à condition d’avoir une approche du recyclage de plastique rationnelle, estime Adams Tidjani. Dire qu’on fait du recyclage sans être capable de produire quelque chose de qualité et d’utile est un problème. »

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A l’usine de Bel Air, une fois refroidies et séchées, les planches sont transférées vers l’atelier menuiserie. A l’aide de scies et de ponceuses, Abdourahmane Diouf s’attelle à les transformer en meubles. « Nous essayons de fabriquer des produits finis pour créer une valeur ajoutée, indique celui qui figure aujourd’hui parmi les premiers menuisiers de plastique du Sénégal. Même si on reproduit beaucoup de techniques utilisées sur le bois, chaque jour est un nouveau défi car les propriétés ne sont pas les mêmes. »

Ces meubles fabriqués à partir de plastique recyclé attireraient principalement, pour l’instant, les administrations et les grandes entreprises. « Nous sommes en train de préparer un catalogue pour le Sénégal par rapport aux besoins en matériel urbain et en fournitures utilisées dans le scolaire », indique Aïta Ba, directrice générale de l’usine dakaroise. Des contrats ont déjà été signés avec la société de distribution et de production d’eau BaEauBab et le groupe de BTP Eiffage. D’autres sont en phase de négociation, par exemple avec le Comité national olympique et sportif sénégalais (Cnoss) en vue des Jeux olympiques de la jeunesse de 2026, qui auront lieu à Dakar.

Outre les planches pour les meubles, l’usine fabrique des pavés pour le revêtement de chaussée, qui devraient notamment être utilisés pour le métro d’Abidjan. « Pour faire un pavé, on mélange quatre types de plastique de basse densité, souvent multicouches et très difficiles à recycler, comme les paquets de chips, les sachets d’eau et les sacs plastiques, avec du sable et des déchets de verre », détaille Aïta Ba.

Lors de son inauguration, l’usine a reçu la visite de Moussa Bala Fofana, le ministre de l’urbanisme, des collectivités locales et de l’aménagement du territoire. L’industrialisation de nombreux secteurs est la clé de voûte de la politique de création d’emplois et de développement de l’économie voulue par les nouvelles autorités.

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