« C’est l’injustice sociale qui nous a fait voter Bassirou Diomaye Faye »

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Faute de poissons pour les remplir, les caisses de pêche ont été transformées en sièges de fortune sur lesquels sont avachis des dizaines de jeunes Sénégalais. Sur la plage de Kayar, petite ville située à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Dakar, certains ont le ciré encore mouillé de la nuit passée en mer, jeudi 4 avril. « Pour rien ou presque. La pêche a encore été mauvaise. Depuis des années, on ne gagne rien. On travaille seulement pour se nourrir », peste Serigne Diouf en fixant la mer agitée.

Le marin de 30 ans est prêt à quitter son pays pour partir « à l’aventure », direction l’Europe. Autour de lui, une trentaine de jeunes s’égosillent, affirmant vouloir eux aussi fuir « une vie devenue trop dure » parce que « les gros bateaux de pêche étrangers ont volé [leur] travail », dit Aliou Diop, un mareyeur de 21 ans. Pour eux, l’accord de pêche qui a ouvert les eaux sénégalaises aux grands navires européens, conclu en 2014 entre l’Union européenne (UE) et l’ancien président Macky Sall, est le symbole de « l’injustice » qui a marqué la gouvernance de ce dernier.

Tous disent avoir voté, le 24 mars, pour son principal opposant, Bassirou Diomaye Faye, élu au premier tour sur la foi d’une promesse audacieuse : rompre avec un système politique et économique qui a renforcé les inégalités socio-économiques et l’arbitraire, estime le nouveau chef de l’Etat, afin de construire « un Sénégal souverain, juste et prospère ».

Certes, l’ambitieuse politique de grands travaux engagée par Macky Sall, au pouvoir entre 2012 et 2024, a changé le visage du Sénégal. Le pays s’est équipé d’infrastructures modernes : des autoroutes ont été tracées, une nouvelle capitale administrative est sortie de terre à Diamniadio, de luxueux immeubles ont poussé à Dakar… Mais comme beaucoup de Sénégalais – dont le revenu moyen est estimé à 90 000 francs CFA par mois (137 euros), selon le Center for Affordable Housing Finance in Africa –, les pêcheurs de Kayar n’ont pas touché les dividendes de cette politique libérale qui a fait la part belle aux investisseurs étrangers.

En dépit d’une croissance soutenue (5 % en moyenne entre 2012 et 2024), le Sénégal a chuté de quinze places dans le classement des pays selon l’indice de développement humain (IDH). Le nombre de chômeurs a quant à lui doublé entre 2015 et fin 2023, passant de 675 000 à 1,28 million, soit 19,5 % de la population, selon le ministère de l’économie. « Voilà pourquoi nous préférons risquer de mourir en mer plutôt que de rester ici », résume Serigne Diouf.

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