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Du cacao produit au Liberia alimente illégalement la production ivoirienne

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Du cacao made in Côte d’Ivoire est cultivé au Liberia. C’est la conclusion du rapport de l’ONG ivoirienne Initiatives pour le développement communautaire et la conservation de la forêt (IDEF), publié lundi 22 avril. Fondée sur des enquêtes menées entre octobre 2023 et mars 2024 dans trois villages libériens, l’étude documente l’existence de trafics organisés notamment par des planteurs ivoiriens et burkinabés, sans toutefois se prononcer sur l’ampleur du phénomène.

Installés dans des bourgs situés le long du fleuve Cavally, frontière naturelle entre la Côte d’Ivoire et le Liberia, les contrebandiers transportent illégalement leur cacao pour le vendre côté ivoirien, notamment dans les environs de Grabo, dans le sud-ouest du pays.

Les enquêteurs affirment avoir constaté que les fèves du Liberia étaient comptabilisées dans la production locale destinée à la vente nationale. Idem pour la production réservée à l’exportation : interrogé, le délégué d’une coopérative qui fournit du cacao à la multinationale américaine Cargill a reconnu s’approvisionner en fèves libériennes. Le géant de l’agroalimentaire est pourtant bénéficiaire du label Rainforest Alliance, une certification pour l’agriculture durable qui engage les entreprises à contrôler l’origine de leurs produits et s’assurer qu’ils ne proviennent pas, entre autres, de la déforestation.

Exode des producteurs

La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, a perdu environ 80 % de son couvert forestier à cause de la culture intensive du cacao. De 16 millions d’hectares au début du XXsiècle, la forêt ne s’étend plus que sur 2,9 millions d’hectares, selon le programme onusien pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation REDD +.

Une situation qui serait à l’origine de la migration de cacaoculteurs ivoiriens vers le Liberia voisin qui abrite désormais plus de la moitié des forêts tropicales d’Afrique de l’Ouest. « Il y a un phénomène d’exode des producteurs ivoiriens vers le Liberia. Et vu qu’il y a très peu d’infrastructures routières dans ce pays, ceux qui produisent du cacao dans cette zone le vendent en Côte d’Ivoire », précise Bakary Traoré, directeur de l’ONG et auteur du rapport.

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Dans un article consacré au déplacement de la boucle du cacao de la Côte d’Ivoire vers le Liberia, l’économiste François Ruf évoque également une « cavale » du cacao en raison de la baisse de rendement des cacaoyers ivoiriens vieillissants. Des planteurs, toujours propriétaires de leurs parcelles, passeraient en effet la frontière pour établir de nouvelles plantations.

Dans les trois villages libériens évoqués dans le rapport, les habitants affirment que « 183 producteurs ont été accueillis ces dernières années, dont 60 pour la seule période de décembre 2023 à janvier 2024 ». Ces arrivées auraient accéléré le défrichement de la forêt primaire locale avec treize nouvelles plantations en 2018, dix-huit en 2021 et cinq en cours de création.

Cartographier les parcelles

Alors que les cours du cacao atteignent des sommets historiques – dépassant fin mars les 10 000 dollars la tonne sur le marché de New York qui fait référence –, l’Europe a adopté en juin 2023 un règlement relatif aux produits liés à la déforestation et à la dégradation des forêts (RDUE).

A partir du 1er janvier 2025, l’importation et la commercialisation de fèves de cacao issues de déboisement réalisé après 2020 seront en théorie interdites au sein de l’Union européenne (UE). « Une chance unique de régler les problèmes historiques de déforestation du secteur du cacao, qu’industrie et systèmes de certification n’ont jamais réussi à résoudre de manière volontaire », veut croire Bakary Traoré.

Encore faut-il que les pays producteurs de cacao acceptent la mise en place des systèmes de traçabilité efficaces. L’IDEF plaide ainsi pour une cartographie de l’ensemble des parcelles de production en Côte d’Ivoire avec une estimation du volume théorique que peut produire chacune d’entre elles. « Actuellement, et du fait de la multiplicité des systèmes existants, une même parcelle peut être présentée plusieurs fois comme source de production afin de “blanchir” le cacao issu de la déforestation au Liberia », soutient l’ONG.

Celle-ci recommande une participation de l’UE au financement du système de traçabilité et que le ministère ivoirien de l’agriculture appuie les producteurs dans le renouvellement de leurs plantations. « Les autorités libériennes doivent travailler avec les autorités ivoiriennes pour lutter contre la contrebande du cacao de part et d’autre de la frontière et bénéficier aussi de l’expérience de la Côte d’Ivoire en matière d’organisation du système de commercialisation », conclut le rapport.

Renforcer la traçabilité

De son côté, le Conseil café-cacao (CCC) en Côte d’Ivoire, à qui IDEF a fourni le rapport en amont de sa publication, regrette l’absence de chiffres permettant de quantifier l’ampleur du phénomène décrit, le rapport ne précisant pas le pourcentage de cacao libérien qui serait présent dans la filière ivoirienne.

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L’instance régulatrice, elle, communique sur plus d’un million de planteurs identifiés dans sa base de données et affirme avoir déjà distribué 730 000 cartes électroniques d’identification des producteurs qui permettent de tracer les achats des produits et leurs origines. Et d’ajouter que son système de traçabilité sera opérationnel sur l’ensemble du territoire à partir du 1er octobre 2024.

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Si du cacao entre illégalement en Côte d’Ivoire, le pays est aussi confronté à une évasion de ses fèves vers le Liberia, la Guinée et le Togo. Depuis le lancement de la récolte 2023-2024, le gouvernement ivoirien estime que 100 000 tonnes de cacao ont quitté frauduleusement son territoire.

Ce trafic, alimenté par les écarts de prix et les différences de système de ventes entre les pays, n’est pas nouveau. Avec la récente augmentation en Côte d’Ivoire de 50 % du prix de vente du kilo de fèves, passant de 1 000 à 1 500 francs CFA, les cultivateurs ghanéens pourraient être tentés d’écouler leur stock chez leur voisin. Le Ghana, deuxième producteur mondial de cacao, réfléchit ainsi à aligner son prix minimum de vente (actuellement 21 cédis, soit 961 francs CFA) sur celui de la Côte d’Ivoire afin d’endiguer la contrebande de fèves.

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