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En Afrique du Sud, la cohabitation en vue entre l’ANC et l’Alliance démocratique réjouit les milieux économiques

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En 2019, il avait été élu sur la promesse d’une « nouvelle aube ». Contraint de ménager l’aile radicale de son parti opposée à ses réformes libérales, Cyril Ramaphosa est devenu le président des promesses non tenues.

Cinq ans plus tard, le voilà de nouveau président. Mais après la claque électorale essuyée par le Congrès national africain (ANC), le chef de l’Etat sud-africain s’apprête à prendre la tête d’un gouvernement de coalition aux côtés des opposants de l’Alliance démocratique (DA). Une nouvelle configuration qui pourrait l’aider à mettre en œuvre les réformes attendues par le secteur privé, espèrent les milieux économiques.

« Nous allons sortir de la situation où l’on ne sait pas si le gouvernement est de droite ou de gauche », se réjouit l’économiste Lumkile Mondi, en référence à la paralysie qui a marqué les cinq dernières années sous l’influence de tendances contradictoires au sein de l’ANC. « Je pense que nous allons nous lancer dans une politique libérale qui a fait ses preuves, en mettant l’accent sur la création d’une Afrique du Sud qui attire les investissements et en se concentrant sur l’amélioration des infrastructures grâce au secteur privé », poursuit-il.

La monnaie a repris des couleurs

C’est également l’espoir des marchés financiers, qui ont accueilli avec soulagement l’annonce de l’arrivée de la DA au gouvernement alors que se profilait aussi la possibilité d’une coalition avec les partis populistes de l’ancien président Jacob Zuma, uMkhonto we Sizwe (MK), ou celui des Combattants pour la liberté économique (Economic Freedom Fighters, EFF).

Après avoir dévissé à la veille des élections à l’issue incertaine le 29 mai, le rand, la monnaie sud-africaine, a repris des couleurs et l’indice de référence de la Bourse de Johannesburg a connu sa plus forte hausse de l’année à l’annonce de la création d’une coalition avec l’Alliance démocratique.

« Les autres options étaient bien pires. L’Afrique du Sud a pris un tournant positif avec la construction d’un gouvernement d’union nationale autour de partis qui adhèrent à la Constitution, à l’Etat de droit et à la nécessité d’approfondir des réformes économiques. C’est sans aucun doute le cas de l’Alliance démocratique et aussi, nous l’espérons, de l’ANC », résume Ann Bernstein, directrice du Centre de développement et d’entreprise, un groupe de réflexion sud-africain.

Parti de centre droit qui plaide pour des réformes structurelles, qui recoupent de nombreuses promesses laissées en jachère par Cyril Ramaphosa, l’Alliance démocratique a envoyé un signal d’ouverture en direction de l’ANC en soulignant son soutien à « l’opération Vulindlela » dans une feuille de route préalable aux négociations autour d’un gouvernement de coalition.

Accélérer les réformes

« L’opération Vulindlela » est une initiative de la présidence et du Trésor public visant à accélérer les réformes dans le secteur de l’énergie, de l’eau ou encore des transports. Des réformes pour lesquelles Cyril Ramaphosa a parfois dû batailler au sein de son propre camp.

L’ouverture du marché de l’énergie au secteur privé, considérée par de nombreux observateurs comme l’une des rares avancées des cinq dernières années, a par exemple été arrachée de haute lutte par la présidence. Alors que beaucoup, au sein de l’ANC, restent jusqu’ici très frileux à l’idée de voir l’Etat céder du terrain au secteur privé, la présidence peut désormais compter sur le soutien de l’Alliance démocratique pour poursuivre ses réformes.

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« Ceux qui faisaient obstacle aux réformes ont perdu. Ils peuvent rejoindre le MK ou l’EFF s’ils le veulent. Mais ce que nous allons voir, c’est l’émergence de l’ANC en tant que parti centriste proche de l’Alliance démocratique sur le plan politique, dans lequel les Noirs libéraux ou conservateurs, comme on pourrait les appeler, trouveront un espace », assure Lumkile Mondi.

Tous ne partagent pas son optimisme. « A court terme, c’est un gouvernement qui pourrait laisser de la place aux réformes de Cyril Ramaphosa », reconnaît Niall Reddy, chercheur au sein du Southern Center for Inequality Studies, un centre de recherche de l’université Witwatersrand, à Johannesburg. Mais, met-il en garde, « comme toujours, beaucoup de choses dépendent des batailles internes au sein de l’ANC qui restent difficiles à lire ».

« La première priorité est de réparer l’Etat »

Le visage de la future administration sera scruté de près. La déclaration d’intention préalable à la formation d’un gouvernement d’union nationale signée par l’ANC et l’Alliance démocratique insiste ainsi sur la nécessité de créer une fonction publique « professionnelle, fondée sur le mérite et non partisane ».

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L’idée, ardemment soutenue par l’Alliance démocratique, pourrait ouvrir la voie à une réforme du principe de déploiement par l’ANC de ses cadres au sein de la fonction publique. Une tradition dont la commission d’enquête sur la corruption qui a marqué le mandat de l’ancien président Jacob Zuma a établi qu’elle avait servi de moteur à la nomination de fonctionnaires incompétents et corrompus à des postes-clés.

Si « la première priorité est de réparer l’Etat », convient la directrice du Centre de développement et d’entreprise, un groupe de réflexion sud-africain, Ann Bernstein appelle à la prudence à la lecture de ces déclarations d’intention. « Le président Ramaphosa répète depuis longtemps qu’il souhaite que la fonction publique soit fondée sur le mérite. (…) Il y a les mots, mais les mots doivent être transformés en programmes concrets, nous n’en sommes pas là », tempère-t-elle.

A la différence du passé toutefois, après avoir recueilli à peine 40 % des voix à l’issue des élections du 29 mai, l’ANC se sait désormais au pied du mur. « Si ce gouvernement ne parvient pas à provoquer une forme de redressement économique, à terme, les gens dériveront vers le populisme comme ils l’ont fait partout dans le monde », prévient Niall Reddy.

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