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En Afrique du Sud, une nouvelle génération de viticulteurs en quête de qualité

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Longtemps, le vin sud-africain a traîné l’image d’un caractère bien trempé, avec des blancs lourds et des rouges tanniques à la concentration en alcool élevée. Le produit d’une mode, celle des années 1990, et d’un système local privilégiant la production de masse. Mais la donne est en train de changer. Sous l’influence d’une nouvelle vague, l’industrie viticole sud-africaine est en pleine métamorphose.

« L’Afrique du Sud est probablement l’un des producteurs de vin les plus enthousiasmants du moment » , résume le critique mondialement reconnu Tim Atkin. Spécialiste du huitième producteur mondial de vin, ce « master of wine » – l’un des titres les plus prestigieux du milieu – publie chaque année la bible de la production sud-africaine. Dans la dernière édition, il écrit que les vins blancs sud-africains comptent « parmi les meilleurs au monde ». « Il y a une lame de fond emmenée par des gens qui produisent des styles plus frais, plus détaillés, avec une identité plus marquée », précise le critique.

A l’origine de ce tournant, la fin de l’apartheid, actée en 1991. De jeunes vignerons profitent alors de l’ouverture du pays pour voyager en Europe notamment. Ils redécouvrent alors les techniques traditionnelles et un sens du terroir quasi inexistant chez eux, où la production est majoritairement le fait de puissantes coopératives qui achètent du raisin en gros à des exploitants agricoles qui jonglent entre les fruits, l’élevage et les céréales.

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« Au cours des dix dernières années, il y a eu un mouvement très fort vers la production de vins plus subtils, avec des concentrations d’alcool plus faibles et une acidité plus élevée, observe Rosa Kruger, experte en gestion des vignobles. Cela va de pair avec une attention plus grande portée à la santé des sols et à la recomposition de nos vignobles. Si vous cultivez une terre morte, le degré d’alcool va exploser parce que le sucre va monter en flèche et l’acidité va baisser parce qu’il n’y a pas de vie dans le sol pour soutenir les racines. »

« Je n’ai rien d’un hippie »

Avec son Old Vine Project, Rosa Kruger est l’une des inspiratrices de ce retour aux sources. L’initiative vise à protéger et à développer les vignes de plus de 35 ans dans un pays où celles-ci sont cultivées depuis le XVIIe siècle, sous l’influence notamment des huguenots, les protestants français qui avaient fui les persécutions religieuses après la révocation de l’édit de Nantes, en 1685.

Le projet est né de ses voyages en Europe et en Argentine, au cours desquels elle « tombe amoureuse de la résilience et de la générosité des vins produits à partir de vieilles vignes » qui « racontent une histoire ». Lancé de manière informelle au début des années 2000, le projet « vieilles vignes » compte aujourd’hui 140 membres, parmi lesquels on trouve certains des meilleurs producteurs du pays, comme Chris Alheit, Ian Naudé ou John Seccombe, du domaine Thorne & Daughters.

Vigneron iconoclaste, Eben Sadie, 52 ans, est de ceux-là. Lui n’a pas attendu la fin de l’apartheid pour élargir ses horizons. « J’ai fait l’armée dans la vieille Afrique du Sud et je me suis dit que je ne voulais pas vivre ici à cause de l’apartheid et de toutes ces conneries », résume-t-il. France, Espagne, Californie, Allemagne, Autriche… Il parcourt la planète vin et engrange les expériences avant de revenir à la fin des années 1990 pour « aider à construire la nouvelle Afrique du Sud ».

Sans le sou, il commence par produire du vin dans une minuscule cave, « presque un garage », avant de s’offrir « un petit domaine ». Dès 1998, il est l’un des premiers à s’installer dans le Swartland, une région du Cap-Occidental balayée par les vents de l’Atlantique, pour produire des vins 100 % naturels. Oubliées les enzymes, les sulfites, la filtration… « Pour moi, tous ces trucs reviennent à mettre trop de maquillage sur le vin », balaye Eben Sadie.

A l’époque, il passe pour un original. Certains évoquent encore les « cowboys » ou les « vignerons hippies » pour qualifier la tendance qu’il a contribué à lancer dans le Swartland. « Je n’ai rien d’un hippie, j’ai une formation scientifique, j’ai travaillé dans certains des meilleurs vignobles au monde et je suis rentré pour faire un vin sérieux », oppose le vigneron. De fait, vingt-cinq ans après ses premières expérimentations, on le qualifie plus volontiers de « visionnaire ».

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Son domaine, le plus réputé du pays, accumule les distinctions. Ses 85 000 bouteilles produites chaque année s’arrachent en une journée et le Swartland est devenu l’une des régions viticoles les plus en vue d’Afrique du Sud, rivalisant avec le bastion traditionnel de Stellenbosch. Vendu autour de 120 euros, son cru le plus célèbre, le Columella, est un vin rouge issu d’un assemblage de huit cépages. Un vin « épicé, floral et séduisant », écrit Tim Atkin, qui le décrit comme « la rencontre de la vallée du Rhône et du pinot noir, combinant grâce et intensité ».

Sécheresses et pluies violentes

Sous l’influence d’Eben Sadie et d’autres producteurs indépendants, le vin sud-africain se diversifie au-delà des traditionnels chenin blanc, chardonnay, syrah ou cabernet sauvignon. Il est « plus fiable » et présente « moins de défauts » grâce à une meilleure maîtrise de l’art de la viticulture et de la vinification, ajoute Tim Atkin. Cette montée en gamme lui vaut une reconnaissance croissante sur la scène internationale.

Distinguées dans de prestigieux concours, les meilleures bouteilles s’invitent sur les plus grandes tables du monde, comme celle du Fat Duck, du chef Heston Blumenthal, au Royaume-Uni, ou celle du restaurant étoilé Jan, du chef Jan Hendrik van der Westhuizen, à Nice. Et le secteur attire de plus en plus d’investisseurs étrangers, notamment français. « Tous les ans, de nouveaux critiques, des publications spécialisées et des cavistes s’enthousiasment pour les vins sud-africains, mais il y a encore beaucoup de travail à faire », reconnaît Maryna Calow, porte-parole de Wines of South Africa, l’association des producteurs et exportateurs de vins sud-africains.

Auprès du consommateur moyen, le secteur doit encore se défaire de son image de vin bon marché – le créneau investi par les coopératives après la levée des sanctions qui visaient le régime sous l’apartheid. Pour y parvenir, Wines of South Africa mise notamment sur l’œnotourisme dans la région du Cap. Maryna Calow insiste également sur « l’excellent rapport qualité-prix » des vins sud-africains. « Pour moins de 15 euros, vous pouvez boire du très bon vin, probablement meilleur que n’importe quel autre à ce prix-là », confirme Tim Atkin.

Miser sur la qualité demeure cependant un pari risqué en Afrique du Sud, où il est souvent plus rentable de produire en quantité, les vins en vrac représentant encore 60 % des exportations. Le secteur se heurte également aux limites du marché local, plus amateur de bières et d’alcools forts. L’Afrique du Sud est « l’un des rares pays producteurs de vins où les gens n’en boivent pas vraiment », rappelle Maryna Callow. Seuls 8 % des habitants consomment du vin, généralement à moins de 5 euros la bouteille.

Mais le plus grand défi auquel est confrontée l’industrie viticole sud-africaine est le changement climatique. « Nous avons des vagues de chaleur qui peuvent atteindre 45 °C et de plus en plus de pluies violentes. A l’heure où je vous parle, il y a une énorme tempête et à travers ma fenêtre, je vois de l’eau, de l’eau et encore de l’eau », s’inquiétait Rosa Kruger alors que des pluies torrentielles s’abattaient sur la région du Cap le 11 juillet.

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