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En Algérie, le président Tebboune annonce des mesures d’« apaisement » et la libération de 2 471 détenus

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Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a annoncé dans un communiqué, mercredi 25 décembre, « des mesures de grâce présidentielle au profit de 2 471 détenus » et « des mesures d’apaisement » pour « huit détenus [en détention provisoire] dans l’attente des procédures d’enquête et de jugement ». Les noms des personnes concernées et les modalités de ces mesures « d’apaisement » n’ont pas été précisés, mais certains juristes espèrent qu’elles consisteront en l’abandon des poursuites et la libération des détenus. « C’est exceptionnel et inhabituel », indique une source judiciaire.

Cette décision inédite pourrait en théorie bénéficier à Boualem Sansal. Interpellé à l’aéroport d’Alger le 16 novembre alors qu’il arrivait de Paris, l’écrivain franco-algérien de 80 ans est accusé d’« atteinte à l’intégrité du territoire national ». L’intellectuel à la santé fragile, selon son avocat, a été transféré dans une unité de soins de l’hôpital Mustapha-Pacha d’Alger. L’arrestation de l’auteur du Village de l’Allemand a suscité un fort émoi en France. En pleine période de tension entre Alger et Paris, l’Elysée s’est dit « très préoccupé ». Sa libération « serait un signal très fort et sans doute la meilleure façon de sortir d’une situation que le temps ne pourra rendre moins douloureuse », déclare au Monde François Zimeray, son avocat.

Outre ces mesures d’apaisement, des réductions de peine et des « grâces totales » sont prévues pour quatorze individus « condamnés définitivement pour des crimes d’atteinte à l’ordre public ». Là encore, le communiqué de la présidence n’indique pas de nom et ne donne aucun détail.

Lire le portrait | Article réservé à nos abonnés Boualem Sansal, écrivain dissident et provocateur

En Algérie, ces prisonniers de droit commun sont considérés comme « des victimes, voire des otages d’une parade politico-judiciaire », pointe l’avocat algérien Aïssa Rahmoun, en exil en France et secrétaire général de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) : « C’est la meilleure manière officielle de masquer la qualité de détenu d’opinion. » Ils seraient actuellement au moins 218 dans ce cas, selon le défenseur des droits humains Zaki Hannache, désormais réfugié au Canada et qui documente la répression dans le pays depuis le Hirak, le mouvement de protestation populaire et pacifique de février 2019.

« Desserrer l’étau »

Parmi ces détenus d’opinion pourraient se trouver des personnalités comme le général à la retraite Ali Ghediri, candidat à l’élection présidentielle en 2019, l’entrepreneur Nabil Mellah, qui a fait fortune dans l’industrie pharmaceutique, ou encore l’artiste franco-algérienne Djamila Bentouis.

Avec ces gestes, le chef de l’Etat veut « montrer que l’Algérie n’est pas un Etat répressif », assure l’un de ses proches, Mehdi Ghezzar. « M. Tebboune veut surtout desserrer l’étau après les pressions internationales qu’il a reçues dans l’affaire Sansal et après la vague de mécontentement que les Algériens ont manifesté sur les réseaux sociaux », analyse le militant Saïd Salhi, réfugié en Belgique.

L’ancien vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) fait référence au hashtag « Manich radi » (« je ne suis pas satisfait », en arabe), qui a fait irruption ces derniers jours sur les réseaux sociaux. En l’utilisant, des Algériens dénoncent le manque de liberté, la répression, mais aussi la situation économique et sociale du pays. Une campagne qualifiée d’« hostile » par plusieurs journaux algériens proches du régime.

En riposte à ce hashtag, un autre a été lancé – « Ana mâa bladi » (« Je suis avec mon pays ») – et repris par des Algériens pour affirmer leur solidarité avec les institutions de leur pays. « Que personne ne pense que l’Algérie peut être dévorée par un hashtag, nous protégerons ce pays dont le peuple a le sang des martyrs qui coule dans les veines », a même réagi le président Tebboune, mardi, lors d’une rencontre entre le gouvernement et les walis (préfets).

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Peut-on considérer les mesures prises le jour de Noël par le chef de l’Etat comme un tournant ? « Nous avons remarqué que les “grâces” présidentielles ne signifient pas un relâchement dans la répression, souligne Zaki Hannache. A chaque phase de libération succède une vague de répression encore plus intense et qui se solde par des interpellations et de nouvelles mises sous mandat de dépôt. » Cette fois-ci, Saïd Salhi, lui, se veut plus optimiste et espère que le geste du président Tebboune ira « vers plus d’ouverture démocratique et de liberté ».

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