Home Monde En Algérie, le risque d’une militarisation graduelle du régime

En Algérie, le risque d’une militarisation graduelle du régime

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Nul ne saurait contester, de bonne foi, que le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a été mal réélu lors du scrutin du 7 septembre. La participation minimale – à l’évidence gonflée à 46 % après une première estimation officielle à 23 % (le taux réel approcherait plutôt 10 %) – tout autant que le cafouillage suspect ayant entouré l’annonce des résultats relativisent grandement le score recueilli de 84,3 % par M. Tebboune.

La propagande à la gloire de son « triomphe » n’y pourra rien : le chef de l’Etat sortant, qui souhaitait retremper sa légitimité après une première élection fin 2019 chahutée sur fond du mouvement antisystème Hirak, entame son nouveau mandat sur des bases plus que fragiles. La société algérienne le boude ostensiblement, rétive qu’elle est à cautionner des jeux scellés d’avance, voués uniquement à oindre d’un vernis électoral la perpétuation du régime.

La précarité de l’assise de M. Tebboune ne sera pas sans effet sur la configuration du pouvoir en Algérie. Car elle va se traduire mécaniquement, dans un mouvement de compensation interne au système, par la montée en puissance de l’Armée nationale populaire (ANP). Certaines images ne trompent pas. La présence en force – et inhabituelle dans cette proportion – des généraux parmi les invités officiels à la prestation de serment du président réélu, le 17 septembre à Alger, est un signal plus qu’éloquent. M. Tebboune est clairement sous tutelle. Durant la campagne électorale elle-même, le chef d’état-major de l’armée, Saïd Chengriha, l’accompagnait d’ailleurs sans cesse lors de ses visites : ici dans un stade, là à une foire. Un marquage de très près.

Le Hirak, menace existentielle

On objectera que l’institution militaire a toujours été la colonne vertébrale du régime depuis l’indépendance, en 1962. Le coup de force du clan de Houari Boumediene – alors patron de l’armée des frontières – contre les maquis de l’intérieur à l’orée de l’indépendance avait jeté les fondations d’un « système politique militarisé », selon la formule du juriste Madjid Benchikh, ancien doyen de la faculté de droit d’Alger. La fin des années 1980 a ensuite déplacé les lignes. L’ANP s’est en effet retirée de la vie politique – et des instances dirigeantes du FLN – lorsque fut proclamée la fin du parti unique au lendemain des émeutes d’octobre 1988.

Le désengagement a été entériné par la Constitution de février 1989, ouvrant la voie au multipartisme. En réalité, l’armée ne quittait que l’arène et non les coulisses, d’où elle continuait à faire et à défaire les présidents au gré d’intrigues opaques. Quitte à réoccuper les devants de la scène en cas de péril suprême. Ce fut le cas lors de l’arrêt du processus électoral en 1992 et au fil de la guerre – la « décennie noire » qui s’est ensuivie avec les groupes armés islamistes.

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