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En Belgique, le Rwanda met au pas sa diaspora

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Agents sous couverture chargés d’intimider l’opposition, espionnage électronique avec le logiciel Pegasus, actions coups de poing lors de manifestations avec un groupe de « gros bras » proche de l’ambassade, projets d’assassinats ciblés sur le sol belge : le Rwanda mène en Belgique, où sa diaspora compte près de 30 000 personnes, une politique de répression sous diverses formes. C’est ce qui ressort de l’enquête « Rwanda Classified », conduite par le collectif Forbidden Stories avec dix-sept médias internationaux sur le régime de Paul Kagame.

« Rwanda Classified », une enquête sur le régime Kagame

L’enquête « Rwanda Classified », une investigation sur le régime de Paul Kagame, a mobilisé 50 journalistes de 17 médias dans 11 pays, coordonnés par le collectif Forbidden Stories. Partant de la mort suspecte du journaliste John Williams Ntwali à Kigali en janvier 2023, l’enquête s’attache à révéler la mécanique répressive mise en œuvre par le Rwanda, y compris hors de ses frontières, loin de l’image de pays modèle promue à l’étranger. Le 15 juillet, l’élection présidentielle rwandaise devrait reconduire Paul Kagame à la tête du pays pour un quatrième mandat, trente ans après le génocide de 1994.

Le 23 mai 2023, la journaliste britannique Michela Wrong devait présenter son livre sur le Rwanda, Do Not Disturb (PublicAffairs, 2021), au restaurant africain L’Horloge du Sud, à Bruxelles. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. « L’organisateur (…) m’a dit que le propriétaire du restaurant avait reçu des plaintes de partisans du régime rwandais en Belgique, mais aussi des courriels menaçants et des appels téléphoniques anonymes directement du Rwanda », raconte Michela Wrong. Selon elle, on lui reprochait de nier l’existence du génocide, une accusation lancée régulièrement au visage de critiques de Kigali. Mission accomplie : L’Horloge du Sud a annulé l’événement, finalement déplacé dans un autre endroit. Ce qui ne décourage pas les soutiens du régime Kagame : toujours selon la journaliste, les responsables de ce second lieu lui ont raconté que « trois hommes, d’apparence rwandaise, s’étaient présentés (…), mais ont été renvoyés. On peut supposer qu’ils voulaient saboter la rencontre. »

Quelques années plus tôt, la journaliste Canadienne Judi Rever, venue en Belgique pour des recherches sur le régime rwandais, avait dû être placée sous protection policière par la sûreté de l’Etat belge. Mme Rever, dont les travaux sont contestés au Rwanda, est considérée comme « négationniste » par le régime. Selon l’Organe de coordination pour l’évaluation de la menace, Judi Rever faisait l’objet d’une menace sérieuse. Deux gardes du corps et une voiture blindée avaient été mis à sa disposition.

En 2018, c’est au tour du journaliste Serge Ndayizeye d’être informé par la police belge que sa vie serait en danger. Le Service général du renseignement et de la sécurité (SGRS), le renseignement militaire belge, avait reçu des informations à ce propos, alors que le journaliste avait quitté les Etats-Unis pour se rendre en Belgique afin de couvrir une visite de Paul Kagame.

Traque par voie numérique

La traque des dissidents se fait également par voie numérique. Cinq cas d’infections de smartphones par le logiciel espion Pegasus liés au Rwanda en Belgique ont été révélés par des enquêtes journalistiques. Les campagnes de dénigrement sur les réseaux sociaux constituent une autre forme d’intimidation. Filip Reyntjens, professeur émérite à l’université d’Anvers et spécialiste du Rwanda, a déjà dû faire face au harcèlement en ligne de trolls sur Twitter (désormais X). Selon nos informations, l’actuel ambassadeur du Rwanda aux Pays-Bas, Olivier Nduhungirehe, utilise ainsi le compte @ndoligitare sur X pour s’en prendre à des voix critiques du régime.

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