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En Côte d’Ivoire, la liste électorale au cœur des requêtes de l’opposition

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A douze mois de l’élection présidentielle, la Côte d’Ivoire rouvre ses listes électorales. Du 19 octobre au 10 novembre, les primovotants, comme ceux qui souhaitent mettre à jour leurs informations, sont invités à s’inscrire dans l’un des 12 000 centres de recensement du pays. Si le bien-fondé de l’opération fait consensus au sein de la classe politique ivoirienne, les modalités d’organisation de cette remise à jour des listes suscitent des remous au sein de l’opposition.
Les partis ont vingt-trois jours pour convaincre les Ivoiriens de l’utilité de l’opération et étoffer un corps électoral qui ne compte à l’heure actuelle que 8 millions d’inscrits sur 12,5 millions de citoyens en âge de voter. Faute de moyens ou de service administratif à proximité, un Ivoirien sur trois ne serait pas déclaré à l’état civil à sa naissance, selon l’Unicef, mais comment convaincre plus de 4 millions d’électeurs potentiels de s’enregistrer dans un laps de temps aussi court ?

Pour cela, les institutions enchaînent les campagnes de sensibilisation. La Commission électorale indépendante (CEI), en charge du recensement et de l’organisation des élections, multiplie les déplacements depuis plusieurs semaines pour rappeler les contours de sa mission et « ratisser le plus large possible », comme l’espère son président, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert. Le 11 octobre à Yamoussoukro, la capitale politique, la CEI a exhorté les chefs traditionnels à pousser les électeurs à s’enregistrer.

Les forces politiques, déjà en précampagne pour la plupart, bien que seul l’ancien président Laurent Gbagbo soit officiellement candidat pour le moment, sont également sur le pont pour enrôler de futurs électeurs et étendre leur base électorale. A commencer par le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti présidentiel, dont les quarante-sept coordinateurs régionaux ont, début octobre, reçu pour consigne du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, de renforcer la présence du parti en région, avec l’objectif d’inscrire au moins 1,2 million primovotants sur les listes.

Un climat politique tendu

De même pour le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), dont le président et probable candidat, Tidjane Thiam, a appelé lundi 14 octobre sa base militante à arpenter les villages et hameaux du pays pour « qu’un maximum d’Ivoiriens » puisse faire les démarches administratives et s’enrôler.

Cruciale, cette course aux inscriptions démarre dans un climat politique tendu. Les partis d’opposition ont déjà commencé à fustiger une liste « gangrenée par des irrégularités flagrantes » et une période de révision trop courte. C’est d’ailleurs le seul point sur lequel ils parviennent à s’accorder. Samedi 21 septembre, quinze d’entre eux – dont le PDCI – ont signé une déclaration en ce sens à Bonoua (sud-est), fief de Simone Ehivet, ex-épouse de Laurent Gbagbo à l’initiative de ce rapprochement et présidente du parti Mouvement des générations capables (MGC).

Le texte appelle le gouvernement à « l’ouverture d’un dialogue inclusif avec les partis d’opposition et la société civile » afin de corriger « les défaillances d’un système électoral [étant la] source majeure des conflits sociopolitiques depuis 2000 ». Créée en 2001, la CEI a régulièrement été décriée pour son manque d’impartialité, à la faveur d’un camp ou d’un autre. En 2010, le président Laurent Gbagbo avait ordonné la dissolution de l’instance gouvernementale alors présidée par Robert Beugré Mambé, aujourd’hui premier ministre, accusé d’inscriptions frauduleuses.

L’annonce par la CEI de la gratuité du certificat de nationalité et de l’extrait de naissance, devant faciliter les inscriptions, n’a pas suffi à convaincre. « Une campagne aussi courte, ça n’a aucun sens. Comment peut-on mobiliser les gens en si peu de temps ? », peste Simon Doho, président du groupe parlementaire PDCI à l’Assemblée nationale et qui, comme d’autres, exige une période de recensement d’au moins trois mois.

« Fraudes imaginaires »

A chaque révision, la CEI n’enregistre que « 200 000 personnes supplémentaires en moyenne », estime le président de l’instance, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, qui admet que la liste n’est « peut-être pas [actualisée] chaque année » comme le prévoit pourtant l’article 6 du code électoral de 2020. L’instance n’écarte pas la possibilité d’organiser une seconde campagne de recensement en 2025.

Venu défendre le 9 octobre le travail de la commission devant les députés, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert a essuyé d’autres critiques en plus de celle relative au délai. Le PDCI estime, selon ses calculs, que plus de 15 % des électeurs inscrits font l’objet « d’une anomalie », avec notamment un nombre trop élevé de personnes centenaires. Autrement dit, l’ancien parti unique redoute des inscriptions fallacieuses et des irrégularités similaires à celles déjà pointées du doigt par le Parti des peuples africains (PPA-CI) de Laurent Gbagbo lors des élections locales de 2023.

Le RHDP récuse « ce concert de griefs et de récriminations » ainsi que les « fraudes imaginaires ». Le gouvernement assure que la mise à jour des fichiers se fera « en toute transparence », quand le président de la CEI promet « d’extirper de la liste électorale tous ceux qui ne méritent pas d’y être », en l’occurrence les personnes décédées ou celles plusieurs fois inscrites.

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Reste la question des candidats déclarés mais toujours inéligibles, parmi lesquels Laurent Gbagbo, condamné puis gracié dans l’affaire dite du braquage de la BCEAO de 2011. Son entourage martèle que les privations de droits civiques et politiques auxquels l’ancien président reste soumis ne reposent sur aucun fondement juridique, quand la CEI rappelle qu’elle n’est pas décisionnaire en la matière. Seule une amnistie prononcée par le chef de l’Etat pourrait permettre à Laurent Gbagbo, tout comme à Charles Blé Goudé, président de la Coordination des jeunes patriotes (Cojep) et à Guillaume Soro, en exil depuis 2019 et président de Générations et peuples solidaires (GPS), de concourir à l’élection.

Un audit de la liste électorale comme demandé par l’opposition serait pour le politologue ivoirien Geoffroy-Julien Kouao « le meilleur moyen de rassurer tous les acteurs de la fiabilité de la liste et de redonner confiance aux électeurs », une condition importante pour la tenue d’un scrutin sans violence. Il y a quatre ans, 85 personnes avaient été tuées et près de 500 blessées dans les tensions ayant suivi la présidentielle.

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