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« En RDC, depuis 1960, la population a été multipliée par 7,5, mais le revenu par habitant a été divisé par 2,5 »

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En 2050, la République démocratique du Congo (RDC) sera le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, derrière le Nigeria, et le huitième au niveau mondial, avec une population estimée à 215 millions d’habitants, selon les projections des Nations unies. Jacques Emina, professeur à l’université de Kinshasa, revient sur les implications de cette démographie explosive.

La RDC n’a pas entamé sa transition démographique. Comment l’expliquer ?

Les causes sont multiples et complexes. Il y a d’abord les normes culturelles. La plupart des gens veulent avoir des familles nombreuses, autour de six enfants en moyenne. Cela tient notamment aux croyances religieuses. La Bible, avec son message « soyez féconds », est interprétée au pied de la lettre. Et puis il n’y a pas de politique sociale efficace pour sécuriser les individus quand vient la retraite, les enfants sont donc perçus comme une assurance-vieillesse. Les femmes qui ont recours à la contraception moderne l’utilisent seulement quand elles s’approchent du nombre d’enfants souhaité.

Un autre facteur est le nombre très élevé de mariages et de maternités précoces. En RDC, plus de 30 % des femmes se marient avant 18 ans. Cela se traduit par un plus grand nombre d’années d’exposition à la procréation. En même temps, il y a une baisse de la mortalité infantile – même si celle-ci demeure importante – et une augmentation de l’espérance de vie. Le résultat, c’est que la population de la RDC va continuer à augmenter jusqu’en 2100.

Mais le pays est très vaste et encore peu densément peuplé…

La RDC est en effet le deuxième plus grand pays d’Afrique, derrière l’Algérie. Mais l’espace n’est pas une raison suffisante pour ne pas s’inquiéter de cette démographie galopante. Il y a déjà beaucoup de conflits fonciers, dans l’Ouest, près de Kinshasa, mais aussi dans l’Est. Par ailleurs, de vastes zones du pays ne sont pas facilement habitables. Les villes, elles, se développent de façon incontrôlée et la RDC risque de perdre 40 % de ses forêts d’ici à 2050. La croissance démographique va de pair avec une intensification de la pauvreté. Depuis 1960, la population a été multipliée par 7,5 mais le revenu par habitant a été divisé par 2,5. Les accès au logement, à l’eau, à la nourriture ou à l’éducation vont être des défis de plus en plus difficiles à relever.

Quelle est la posture du gouvernement sur cet enjeu ?

La RDC n’a pas de véritable politique démographique ni aucune structure dédiée comme il en existe dans d’autres pays africains. La première étape serait d’avoir des chiffres sur la population congolaise et ses différentes composantes. Le pays n’a pas conduit de recensement depuis 1984 ! Or, sans statistiques fiables sur les naissances, les décès, les migrations, il est impossible de faire une bonne planification. Comment savoir de combien d’écoles, de maternités, d’emplois, un territoire donné a besoin si l’on ignore qui habite où ? Pour que la population puisse devenir un levier de développement, il faut d’abord mieux la connaître.

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