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En RDC, la situation dans l’est avive les tensions entre le gouvernement et l’Eglise catholique

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Il y a un an, la rencontre entre Félix Tshisekedi et Emmanuel Macron, à Kinshasa, avait tourné à l’aigre, alors que le président français avait refusé de condamner le Rwanda pour son rôle dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Mardi 30 avril, à Paris, elle était autrement chaleureuse. Au sortir de son tête-à-tête avec son homologue, en France, pour deux jours de sa première visite officielle, Emmanuel Macron a clairement appelé Kigali à « cesser tout soutien » au Mouvement du 23 mars (M23) dans l’est du pays et à en « retirer ses forces ». Même s’il n’a pas exigé de sanctions, les mots ont été à la hauteur des attentes de Kinshasa.

En proie depuis deux ans et demi à une nouvelle offensive de la rébellion du M23, activement soutenue par le Rwanda, les autorités congolaises ont fait de ce dossier la priorité de leur politique et la boussole de leurs positionnements, tant à l’international que sur la scène intérieure.

Même la plus haute autorité catholique du pays en fait l’expérience. Le cardinal Fridolin Ambongo a été convoqué par la justice congolaise, accusé de tenir des propos séditieux « lors des points de presse, interviews et autres sermons, de nature à décourager les militaires des forces armées congolaises qui combattent au front, alors que le pays fait face à une guerre dans l’est ». Dans un courrier daté du 27 avril, Firmin Mvonde, le procureur général près la Cour de cassation, ordonne à son homologue de la cour d’appel de Matete, juridiction de résidence du prélat, d’ouvrir une information judiciaire contre l’archevêque de Kinshasa. C’est la première fois qu’une autorité religieuse de son rang fait l’objet de pareille procédure dans le pays.

Accès au salon VIP

Appelant « au calme » et assurant que le dossier est « traité de façon responsable », la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) a confirmé avoir reçu une convocation du cardinal devant la justice, que le religieux n’a pu honorer pour cause de séjour à l’étranger.

Ces poursuites judiciaires sont lancées après une homélie qui a fort déplu aux autorités congolaises lors de la messe de Pâques. Fridolin Ambongo avait évoqué le ralliement de certains proches du pouvoir au M23, questionnant : « Nous pouvons les traiter de traîtres, ils ont pris la cause de l’ennemi, mais la question de fond, c’est pourquoi ces gens ont-ils agi de cette manière-là ? C’est parce qu’au niveau d’ici, nous continuons à poser des gestes qui blessent les autres, qui fragilisent la communion nationale, qui excluent les autres. »

« Des propos extrêmement graves », selon Patrick Muyaya, le ministre de la communication, qui peuvent être interprétés comme « un soutien moral » au M23.

Quinze jours plus tard, un premier signe était révélateur de la colère du gouvernement : le cardinal s’était vu refuser l’accès au salon VIP de l’aéroport de N’Djili à Kinshasa. Une offense qui avait scandalisé l’archidiocèse. « Avec la notoriété que possède un cardinal en RDC, lui refuser l’accès d’un salon VIP ouvert aux notables du pays est un affront. C’est le pouvoir congolais qui annonce son entrée en guerre ouverte contre l’Eglise catholique », estime le politologue Christian-Joseph Atale.

« La voix des sans-voix »

La crise entre les deux autorités culmine alors que leurs relations sont électriques depuis de longs mois. Le cardinal Ambongo avait qualifié les élections générales, qui se sont tenues en décembre 2023, de « gigantesque désordre organisé », après avoir été en 2021 l’une des figures de la contestation de la nomination du président de la Commission électorale, Denis Kadima, suspecté d’être trop proche du pouvoir.

Fridolin Ambongo s’illustre comme l’un des contre-pouvoirs les plus corrosifs pour le gouvernement, alors que l’opposition, partie en rangs dispersés aux derniers scrutins, a du mal à peser. Dans un pays où environ 45 % de la population est catholique et où l’Eglise remplit de nombreuses fonctions de base (école, dispensaires de santé), ce proche du pape François est une autorité morale dont la parole est très écoutée.

« Depuis l’époque de Mobutu, tous les cardinaux qu’a connus la RDC se sont opposés au régime en place, retrace le père Alain Nzadi, directeur du Centre d’étude pour l’action sociale (Cepas), à Kinshasa. Le cardinal Laurent Monsengwo, son prédécesseur, avait même un franc-parler qui allait au-delà du cardinal actuel » « Fridolin Ambongo est la voix des sans-voix, poursuit-il. Les citoyens lambda qui n’ont pas son aura s’appuient sur lui pour porter leur opinion publiquement », poursuit-il. Une autorité morale avec laquelle les pouvoirs successifs ont toujours dû composer, au risque de s’aliéner une partie non négligeable de leur population.

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