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En RDC, les conditions de détention « inhumaines » de la prison de Makala

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C’est un véritable enfer que révèlent les vidéos tournées dans la prison centrale de Makala, à Kinshasa. Ces images inédites, qui dévoilent les conditions de détention « inhumaines » des prisonniers du principal centre pénitentiaire de République démocratique du Congo (RDC), ont été publiées par le journaliste Stanis Bujakera Tshiamala, un des reporters les plus influents du pays.

Le directeur adjoint du média Actualité.cd, correspondant de Jeune Afrique et Reuters, y a été lui-même incarcéré entre septembre 2023 et mars 2024. Il était accusé d’avoir fabriqué un « faux » pour un article mettant en cause les renseignements militaires dans la mort d’un opposant politique, ce qu’il a toujours contesté. Durant sa détention, Stanis Bujakera Tshiamala n’a jamais vraiment cessé de faire son travail et a donc documenté l’intérieur de la prison la plus connue du pays. « Je voulais raconter Makala de l’intérieur. Cette prison est un véritable camp de concentration », explique-t-il au Monde.

Sur ses vidéos, on voit des détenus à même le sol, couchés les uns sur les autres, au milieu de déchets. Prévue pour accueillir 1 500 détenus lors de sa construction en 1957, à la période coloniale, Makala en accueille aujourd’hui dix fois plus. Organisée en onze pavillons, du plus insalubre au « VIP », où résident notamment les personnalités politiques, elle est gérée par les prisonniers eux-mêmes, ce qui autorise tous les trafics et toutes les violences. « Une fois passés les postes militaires qui en gardent l’entrée et effectués les contrôles d’identité, le visiteur ne croise plus ni gardien ni surveillant. Makala fonctionne comme le Congo : il faut de l’argent et des contacts pour s’en tirer », décrit Stanis Bujakera Tshiamala.

Un seul repas par jour – une bouillie de mauvaise qualité –, des fouilles constantes, des stocks de médicaments insuffisants… Les conditions de vie sont quasiment insoutenables. Seuls les prisonniers disposant d’aides peuvent bénéficier d’un quotidien légèrement meilleur.

Surpopulation

Moyennant 450 dollars, le reporter a lui-même pu résider au pavillon « VIP ». Les conditions de vie y sont moins terribles qu’ailleurs mais restent rudes. « Dans ce pavillon, nous étions une centaine, témoigne Stanis Bujakera Tshiabala. Nous n’avions que quatre WC combinés à des douches et il n’y avait qu’un seul lavabo. Dans les autres pavillons, où les conditions d’accueil sont identiques, il y avait parfois 2 000 personnes. J’ai vu des gens se laver avec de l’eau utilisée pour la cuisine. Mais la plupart ne se lavent pas parce que l’eau coule à peine des robinets. »

Cette surpopulation carcérale fait de ce lieu un mouroir pour les détenus, selon la Fondation Clinton, autrice d’un rapport publié en décembre 2023. L’ONG américaine s’est indignée du « non-respect de la prononciation des arrêts dans les cours et tribunaux dans le délai prévu par la loi » et des « violations massives des droits humains » commises à l’encontre des détenus, en majorité non condamnés et donc en détention préventive. « Il est nécessaire de réformer le système carcéral, qui n’est pas efficace, mais aussi de réformer la justice », affirme Stanis Bujakera Tshiamala.

Si les conditions de détention à Makala sont régulièrement dénoncées par les ONG et la société civile, c’est la première fois que de telles images sont dévoilées. « Nous n’avons pas attendu leur publication pour amorcer le processus de désengorgement en cours des prisons et d’amélioration des conditions de détention. Nous sommes un Etat souverain », a écrit le ministre de la justice, Constant Mutamba, sur le réseau social X, avant d’estimer que les vidéos sont de « très vieilles images » et d’assurer que « les prisonniers congolais mangent deux à trois fois par jour ».

En guise de réponse à la polémique suscitée, les autorités ont envoyé les forces de l’ordre à Makala, dimanche 21 juillet. Celles-ci ont confisqué les téléphones des détenus, qui circulent largement dans la prison. « Ces appareils sont d’un grand soutien aux prisonniers, ils leur permettent de rester en contact avec leurs familles et leurs connaissances », regrette Emmanuel Adou Coll, de la Fondation Clinton, qui affirme que les policiers ont agi de façon brutale et dérobé de l’argent aux détenus lors de cette opération.

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