Des pelleteuses aplanissent des monticules de sable blanc pour restaurer une plage en voie de disparition à Hammamet, l’une des principales destinations touristiques de Tunisie, où l’érosion côtière s’accélère sous l’effet d’une urbanisation désordonnée et du changement climatique. Avant le pic de la saison estivale, l’opération de rechargement en sable sur la plage du centre-ville de cette localité balnéaire située à 60 kilomètres de Tunis est menée sous la houlette de l’Agence de protection et d’aménagement du littoral (APAL), un organisme public.
Tout le mois de juin, 15 000 mètres cubes de sable (750 camions) provenant de carrières de la région semi-désertique de Kairouan, à plus de 100 kilomètres de là, ont été déversés sur ce site emblématique d’un modèle touristique fondé sur les stations balnéaires en bordure de Méditerranée. Les bonnes années, le tourisme représente jusqu’à 14 % du PIB, fournissant des dizaines de milliers d’emplois dans un pays où le taux de chômage dépasse 16 % de la population active et avoisine 40 % chez les jeunes. Pour 2024, les autorités visent 10 millions de visiteurs.
« Cette plage est la carte postale de Hammamet, gravée dans nos esprits depuis notre enfance », explique à l’AFP Chiheb Ben Fredj, secrétaire général de l’Association d’éducation relative à l’environnement (AERE). Mais lors de la dernière décennie, à Hammamet, l’un des sites les plus touchés de Tunisie, « l’érosion côtière a contribué à la perte de 24 000 mètres carrés de plage, avec la disparition de 3 à 8 mètres de plage par an entre 2006 et 2019 », selon un rapport de la Banque mondiale en 2020. Selon l’AERE, cet effacement « spectaculaire » du trait côtier a atteint un nouveau palier de « destruction » ces deux dernières années.
L’ensemble du littoral tunisien est menacé, avec la perte moyenne de 1,5 mètre de côte par an. Quelque 90 kilomètres de plage ont déjà été engloutis, pendant que 190 kilomètres supplémentaires sont à risque sur les 570 kilomètres de littoral sablonneux.
Une « solution provisoire »
Face à l’érosion, le réensablement des plages peut s’avérer utile d’un point de vue esthétique et économique, mais « ce n’est pas une solution durable », estime M. Ben Fredj. D’autres aménagements sont nécessaires, tels que des digues ou structures pour fixer le sable. Selon l’AERE, la mise en place de plusieurs kilomètres de palissades pour retenir le sable a permis la reconstitution et la stabilisation des dunes sur de nombreuses plages du pays. Autrement, « le sable peut être avalé en quelques jours par la mer ou par une tempête », souligne M. Ben Fredj, comme ce fut le cas à l’été 2023, lors de la première opération de rechargement en sable à Hammamet, d’une dimension bien moindre.
Ces interventions ont un coût élevé : 3,9 millions de dinars (environ 1 million d’euros) cette année pour le réensablement de trois plages à Hammamet, Monastir et Sfax, selon l’APAL.
La plage du centre « est la vitrine de Hammamet : pour nous, la priorité, c’est de récupérer la plage, de ne pas toucher à la beauté de la ville », plaide Narjess Bouasker, directrice de l’hôtel Menara et l’une des responsables de la Fédération régionale de l’hôtellerie. Soulagée de voir un début d’action après avoir tiré la sonnette d’alarme, elle admet que le réensablement n’est qu’une « solution provisoire » car « on ne sait pas comment la mer va réagir ». Idéalement, il faudra selon elle trouver un équilibre entre la sauvegarde du paysage et une lutte efficace contre l’érosion côtière.
Pour l’AERE comme pour l’APAL, la première cause de l’érosion est l’activité humaine, avec une urbanisation incontrôlée, puis le réchauffement climatique, qui provoque des tempêtes plus violentes et une élévation du niveau de la mer, particulièrement rapide en Méditerranée.
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Sur la plage du centre de Hammamet, les constructions ont entraîné la disparition des dunes bordières, qui jouaient un rôle central dans le rechargement naturel en sable. L’APAL déplore aussi un aménagement du littoral irrespectueux des écosystèmes, avec notamment le recouvrement du lit des oueds, ces rivières qui charrient 85 % des sédiments arrivant en bord de mer, contribuant à réduire l’érosion. « Les constructions n’ont pas été étudiées pour respecter la dynamique côtière », souligne un responsable de l’APAL sous le couvert de l’anonymat. Les plages les plus touchées sont d’ailleurs, selon l’AERE, celles situées en zone urbaine, comme à Hammamet, Monastir et Sousse.