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En Tunisie, inquiétude des avocats après les arrestations de deux des leurs et des soupçons de « torture »

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La colère gronde parmi les avocats tunisiens, qui ont manifesté en robe noire, jeudi 16 mai à Tunis, pour protester contre les arrestations de leurs confrères Sonia Dahmani et Mehdi Zagrouba. Ce dernier aurait également subi des violences physiques de la part des forces de l’ordre lors de son arrestation, lundi 13 mai, au siège de l’Ordre national des avocats tunisiens, où il s’était réfugié. Ses avocats évoquent des « actes de torture graves ».

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« Quel magnifique pays, de torture et de tyrannie », ont scandé les centaines d’avocats et membres d’organisations de la société civile présents devant le palais de justice, en référence aux propos sarcastiques tenus par l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani lors d’une émission de télévision. Ce sont ces propos qui lui ont valu d’être arrêtée, samedi 11 mai, avant d’être mise en examen et écrouée. « De quel pays extraordinaire parle-t-on ? Celui que la moitié des jeunes veulent quitter ?  », avait-elle rétorqué à un autre chroniqueur qui affirmait que les migrants subsahariens cherchaient à « coloniser » la Tunisie.

L’avocat Mehdi Zagrouba, présent au tribunal lundi pour soutenir sa consœur au moment où elle devait être auditionnée, a été accusé par le ministère de l’intérieur de violences et d’agressions verbales à l’encontre des forces de l’ordre, version que nie sa défense. Le soir même, alors qu’il s’était réfugié au siège de l’Ordre, il a été emmené par des agents de la garde nationale et placé en garde à vue. Les images postées sur les réseaux sociaux à la suite de l’interpellation attestent de vitres et de portes brisées. Quelques jours plus tôt, au même endroit, l’interpellation brutale de Sonia Dahmani par des agents en civil et cagoulés avait été filmée en direct sur France 24 et fait polémique.

« Traces évidentes de violence »

L’affaire a pris une tournure plus grave lorsque Mehdi Zagrouba s’est présenté devant le juge d’instruction mercredi, à l’issue de sa garde à vue, dans un état de santé fortement détérioré, selon le président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme. « Nous avons constaté des traces évidentes de violence et de torture sur son corps, alors que le juge d’instruction et le parquet ont refusé de le soumettre à un examen médical », s’est-il indigné, précisant qu’un mandat de dépôt à l’encontre de M. Zagrouba a été émis alors que ce dernier gisait à terre, inconscient. Les traces de violences auraient été constatées et consignées par le juge d’instruction, et une plainte pour torture devait être déposée le jour même, a déclaré Essia Haj Salem, une autre avocate de la défense, sur la radio IFM. Elle a dénoncé une « opération de torture méthodique ».

Face à ces accusations, le ministère de l’intérieur a menacé de poursuites judiciaires les personnes qui véhiculent des « allégations sans fondement », selon son porte-parole, Faker Bouzghaya, qui intervenait sur la même radio. « Ils prétendent qu’il y a eu des actes de torture pour se dérober de la justice », a-t-il rétorqué. « Les événements récents ne concernent pas la profession d’avocat, mais ceux qui ont osé dénigrer et dévaloriser leur pays dans les médias et ceux qui ont agressé un officier de police », a également justifié le président tunisien, Kaïs Saïed, dans un communiqué publié dans la nuit de mercredi à jeudi, ajoutant que « l’Etat tunisien était tenu de garantir à chaque détenu le droit à un traitement humain préservant sa dignité ».

L’Union européenne, les Etats-Unis et la France ont protesté contre la récente vague d’arrestations qui a touché aussi deux chroniqueurs connus et des responsables d’associations d’aide aux migrants. Des critiques que M. Saïed a fustigées dans une autre vidéo, dénonçant une « ingérence étrangère inacceptable ».

A la suite de son coup de force du 25 juillet 2021 où il s’est doté des pleins pouvoirs, Kaïs Saïed est parvenu à affaiblir l’ensemble des corps intermédiaires, partis politiques, syndicats, organisations de la société civile et médias, accusés de collusion avec des puissances étrangères. En outre, plus d’une vingtaine d’avocats ont été « pris pour cible » par les autorités tunisiennes depuis janvier 2023, selon l’organisation Amnesty International, qui a dénoncé fin mars un « harcèlement judiciaire et une intimidation croissante » à leur encontre.

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