Loin des feux de l’actualité, la Tunisie s’enlise dans une dérive autoritaire qui ne cesse de s’accentuer pour étouffer tout espoir de changement et de retour à la démocratie. Le scrutin présidentiel prévu le 6 octobre, qui verra le président Kaïs Saïed mettre en jeu son mandat pour la première fois depuis son coup d’Etat constitutionnel du 25 juillet 2021, s’annonce comme une étape de plus dans un processus de restauration autoritaire. Une restauration qui a vu le président commencer par s’octroyer les pleins pouvoirs, puis adopter une nouvelle Constitution hyperprésidentialiste, anéantir les institutions démocratiques et réprimer toutes les voix discordantes : opposants politiques, journalistes indépendants, avocats, juges et activistes de la société civile. Ni plus ni moins qu’un processus de démantèlement systématique des acquis réalisés au lendemain de la révolution de 2011.
Caractérisée par des violations manifestes des règlements électoraux, la préparation de ce scrutin ne fait pas exception. Saisi, le Tribunal administratif devrait être amené à se prononcer sur ces irrégularités… sous réserve qu’il décide d’échapper aux pressions de l’exécutif.
Cette élection constitue un test majeur pour l’armée, institution qui a joué un rôle remarqué depuis 2011, en particulier dans la régulation de la compétition électorale. Pour les Tunisiens qui se rendent aux urnes, faire leur choix sous le regard bienveillant d’une armée républicaine garante du bon déroulement et de la probité du scrutin était devenu un gage de démocratie et de l’acceptation du résultat. Investie d’un rôle nullement limité aux aspects logistiques, l’armée s’est imposée en tant que caution à l’alternance pacifique au pouvoir, qui a fait de la Tunisie un exemple dans la région.
Choix cornélien
Le processus démocratique post-2011 a été l’occasion pour les forces armées de se réconcilier avec la volonté populaire et d’assumer leur mission en accord avec les attentes de la population après des décennies de marginalisation sous Habib Bourguiba. Durant le règne du « Combattant suprême », l’institution militaire a été soigneusement écartée du champ politique et utilisée essentiellement pour réprimer les soulèvements populaires (révolte syndicale de janvier 1978, émeutes du pain de 1984). L’arrivée au pouvoir, en 1987, de Ben Ali, un homme ayant fait ses classes au sein de l’armée, appelé par un Bourguiba en fin de parcours pour mater la contestation islamiste, a fait craindre que la Tunisie ne bascule dans une dictature militaire venue à la rescousse d’un pouvoir à bout de souffle. Mais le « coup d’Etat médical » de 1987 ne débouchera finalement pas sur un régime militaire [la santé de Bourguiga se dégradait]. Préférant s’appuyer sur un parti unique bien implanté et une bureaucratie toute prête à le servir, le général Ben Ali instaurera un système policier, qui finit par être rejeté par une majorité de la population en 2011.
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