« Ne touchez pas à Imane Khelif ! » Tant sur les réseaux sociaux qu’au niveau officiel, les Algériens, de tous sexes et de tous âges, dénoncent, unanimes, la polémique qui vise leur boxeuse et voient dans la contestation de sa féminité une « hogra », terme désignant une injustice combinée à du mépris.
La boxeuse italienne Angela Carini, qui a refusé, jeudi 1er août, de saluer Imane Khelif après avoir jeté l’éponge à la 46e seconde, est ainsi accusée par le journal en ligne TSA d’avoir voulu « formuler indirectement l’accusation qui ne lâche pas l’Algérienne depuis le début de ces jeux de Paris, à savoir qu’elle est… un homme ! ».
Depuis, la polémique n’a cessé de gonfler, renforcée par les propos de personnalités comme Elon Musk, Giorgia Meloni, Matteo Salvini ou J. K. Rowlings. Le nom d’Imane Khelif est maintenant cité dans la campagne présidentielle américaine par les partisans de Donald Trump. Une tempête mondiale qui semble laisser de marbre l’athlète mais amplifie le soutien et l’identification des Algériens avec la boxeuse.
« Mon premier combat aux Jeux olympiques s’est soldé par un succès rapide face à la boxeuse italienne. C’est toujours satisfaisant d’engranger une victoire dans une compétition aussi importante, mais je reste concentrée sur mon objectif d’une médaille olympique avant de connaître mon adversaire en quarts de finale », a-t-elle déclaré après sa qualification.
En 2023, après sa disqualification lors des championnats du monde féminins de boxe, à New Delhi, faute d’avoir satisfait aux tests d’éligibilité à une participation en catégorie féminine, elle avait jugé, amère, que « des gens ont conspiré contre l’Algérie pour que notre drapeau ne soit pas hissé et pour que la médaille d’or ne lui revienne pas ». Des propos qui ne pouvaient que faire taire les contempteurs conservateurs du sport féminin en Algérie.
« Ligne rouge »
Dans le concert actuel de soutien, Imane Khelif a reçu celui d’Ismaël Bennacer, footballeur au Milan AC, qui, après les commentaires de responsables italiens, s’est offusqué d’une « vague de haine injustifiée » : « Sa présence aux Jeux olympiques est tout simplement le fruit de son talent et de son travail acharné », a-t-il estimé.
Avant le combat contre l’Italienne, le ministre algérien de la jeunesse et des sports, Abderrahmane Hammad, avait déjà prévenu sur le réseau social X : « Imane Khelif est notre fille, notre sœur et championne. Imane Khelif est une ligne rouge. Je condamne avec vigueur l’acharnement médiatique dont elle a été victime de la part de parties étrangères. En avant Imane, toute l’Algérie, gouvernement et peuple, est derrière toi. » Le Comité olympique algérien a quant à lui dénoncé « la fausse propagande et le comportement immoral vis-à-vis de notre championne, Imane Khelif, de certains médias étrangers ».
Une fois n’est pas coutume, ces prises de position officielles correspondent à l’humeur générale des internautes algériens, qui défendent une « femme » prête à être élevée au rang d’héroïne nationale. Abdallah Benadouda, animateur de Radio Corona, une webradio pirate née dans le contexte du mouvement de contestation du Hirak, note qu’après avoir été attaquée par « Elon Musk, le type de Tesla, SpaceX, Twitter, et J. K. Rowlings, la maman de Harry Potter », Imane Khelif, est « toujours là » : « C’est suffisant pour faire d’elle l’héroïne des JO 2024, ajoute-t-il. Les médailles, la couleur de tes dessous et les chorégraphies sur la Seine n’ont pas d’importance. »
Wiame Awres, militante féministe et animatrice du site Féminicides Algérie, a dénoncé sur Facebook une campagne de diffamation et de harcèlement. Ces gens-là, écrit-elle, « ignorent qui est Imane, ils ignorent l’espoir et la fierté qu’elle a suscités dans notre pays. Ils ignorent la force que c’est que d’être une femme et d’assumer une apparence qui n’est pas dans les normes de la féminité. […] Imane est et restera notre fierté. Soutien à elle. »
