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La Côte d’Ivoire enterre Henri Konan Bédié dans le faste

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La Côte d’Ivoire a commencé à faire ses adieux à Henri Konan Bédié, dix mois après la mort de l’ex-président (1993-1999), le 1er août 2023. Conformément à la tradition baoulé, l’ethnie du défunt, ces obsèques fastueuses devraient durer deux semaines, du 19 mai au 1er juin, et se tiendront entre Abidjan, la capitale économique, Daoukro, le fief de l’ancien chef de l’Etat au centre du pays, et Pepressou, son village natal près de Daoukro.

L’événement s’annonce comme un moment de célébration de l’unité nationale, avant l’entrée dans la campagne pour l’élection présidentielle de 2025. « Toutes les dispositions ont été prises pour qu’il y ait le maximum de personnes afin que les funérailles du président Bédié soient populaires, à la mesure de sa personnalité », a d’ores et déjà annoncé la formation politique de l’ancien chef de l’Etat, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA).

Les trois premiers soirs, du 19 au 21 mai, les visiteurs seront invités à présenter leurs yako (« condoléances » en baoulé) à la famille de l’ancien chef de l’Etat, dans sa résidence du quartier de Cocody Ambassade, à Abidjan. Le 22 mai, une veillée religieuse aura lieu à la cathédrale Saint-Paul du Plateau, dans le centre de la capitale économique, suivie de la levée du corps et d’une messe le 23 mai.

« Capacité à rassembler »

Le lendemain, le défunt recevra l’hommage de la nation et les honneurs militaires au palais présidentiel puis à l’Assemblée nationale, et le 25 mai les hommages des militants du PDCI. Sa dépouille quittera ensuite Abidjan, marquant un arrêt dans les villes d’Abobo, d’Adzopé, d’Akoupé et de Kotobi jusqu’à Daoukro, où elle sera à nouveau honorée par une veillée religieuse puis traditionnelle. Du 27 au 31 mai, les ultimes hommages seront rendus dans son village natal de Pepressou, où Henri Konan Bédié sera inhumé le 1er juin dans le caveau familial.

Comme il est d’usage pour les préparatifs d’un événement d’une telle ampleur, trois parties sont impliquées : la famille du défunt, sa formation politique et la présidence de la République. Cette dernière est chargée de l’organisation des cérémonies au palais présidentiel et à l’Assemblée nationale, du dispositif sécuritaire et de l’inhumation. Le parti et la famille ont pris en charge le reste, notamment la conservation et les déplacements de la dépouille.

Car le déroulement des obsèques sera scruté de près, en particulier pour le nouveau président du PDCI, l’ancien banquier franco-ivoirien Tidjane Thiam, qui a succédé à Henri Konan Bédié à la direction du parti le 22 décembre 2023 et cherche à asseoir son autorité auprès de son électorat traditionnel. « L’occasion est donnée à Tidjane Thiam, qui a passé vingt ans hors du pays, note le politologue ivoirien Sylvain N’Guessan, de montrer sa capacité à rassembler les autorités traditionnelles du centre du pays autour de ces funérailles. »

La mort d’Henri Konan Bédié, qui n’avait pas désigné de dauphin de son vivant, avait donné lieu à une crise de succession, réglée à l’issue d’un congrès extraordinaire qui avait porté Tidjane Thiam à sa tête. Si l’ancien banquier avait alors remporté une victoire écrasante avec 96,48 % des suffrages face à son unique rival, le maire de Cocody Jean-Marc Yacé, la bataille avait aussi fait éclater les rancœurs de ceux qui espéraient depuis des années prendre la suite du patriarche. Le secrétaire exécutif historique du parti, Maurice Kakou Guikahué, et les deux jeunes ambitieux Thierry Tanoh et Jean-Louis Billon, qui avaient tous trois dû renoncer à concourir, n’avaient pas caché leurs réticences à rallier à Tidjane Thiam.

« Ciment national »

Mais les obsèques semblent avoir gommé leurs différends et forcé les cadres du PDCI à resserrer les rangs. « Tidjane Thiam s’est efforcé d’être le plus intégratif possible, salue le porte-parole du parti, Soumaïla Bredoumy. Il a confié la mobilisation des militants aux hauts représentants du parti dans chaque district. Jean-Louis Billon a certes démissionné du secrétariat exécutif, mais pas de son poste de haut représentant dans le Hambol [dans le centre nord du pays]. Dans chaque région, les cadres du PDCI ont joué leur rôle dans l’organisation des funérailles. »

Le nouveau président du PDCI avait mis en place, dès le 19 février, un comité d’organisation spécial avec, à sa tête, les doyens Niamien N’Goran, qui présidait déjà le comité d’organisation des obsèques de Marcelin Bédié, frère d’Henri Konan Bédié, et Jean-Marie Kakou-Gervais, ancien ambassadeur de Côte d’Ivoire en France.

L’effectif du comité, déjà pléthorique, a encore augmenté ces dernières semaines. « Tout le monde cherche à se faire voir, rapporte, un haut cadre du PDCI. Ils veulent tous que leur nom apparaisse, qu’on sache qu’ils ont fait partie de la dernière équipe d’Henri Konan Bédié. Au point qu’on a dû faire des listes complémentaires au comité d’organisation pour satisfaire tout le monde ! »

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Les factions politiques devraient toutes être représentées lors des cérémonies du 24 mai. « Ce genre d’événement est un ciment national, estime Soumaïla Bredoumy. Les obsèques d’Henri Konan Bédié, ce n’est pas rien ! Les grands moments de joie, comme la Coupe d’Afrique des nations de football [CAN, remportée par la Côte d’Ivoire en 2024], ont le même effet que les grands malheurs, comme les funérailles nationales d’Amadou Gon Coulibaly et Hamed Bakayoko [deux premiers ministres morts en fonction en 2020 et 2021]. Ils sont comme des éclipses qui masquent momentanément nos divisions. »

Démonstration de force

Mais le jeu politicien ne s’arrête pas pour autant. Selon nos informations, le pouvoir serait opposé à ce que Tidjane Thiam prenne la parole lors des cérémonies au palais présidentiel et à l’Assemblée nationale. Le programme, dans son état actuel, ne prévoit aucun discours d’un représentant du PDCI pour les hommages nationaux. « Le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), au pouvoir, a peur de laisser une telle tribune à Tidjane Thiam, explique un proche de l’opposant. Pas aussi près de l’élection présidentielle. »

Car, s’il parvient à mobiliser ses partisans en masse et à les diriger sans heurts d’Abidjan à Pepressou, le PDCI tient l’occasion d’une démonstration de force. Ses responsables espèrent profiter de l’événement pour lancer la campagne du parti dès le mois de juin. « Tant que nous n’avons pas enterré Henri Konan Bédié, nous ne pouvons pas dérouler notre programme, indique un cadre du parti. Nous sommes concentrés sur les funérailles pour le moment, mais nous avons aussi hâte de pouvoir passer à l’étape suivante, car les autres partis risquent de prendre de l’avance sur nous. »

Avec en ligne de mire la réalisation de l’ambition d’Henri Konan Bédié, qui depuis son éviction de la présidence, le 24 décembre 1999, par le coup d’Etat du général Robert Gueï, jusqu’à sa mort en 2023, espérait reconquérir le pouvoir. Sa disparition, après une carrière d’une rare longévité – il aura passé près de trente ans à la tête du PDCI –, marque la fin d’une époque, celle des houphouëtistes de la première heure qui se sont battus aux côtés du « père » de l’indépendance. Elle ouvre aussi la voie à une nouvelle génération au PDCI, ce qui pourrait donner au parti un avantage certain dans la campagne présidentielle, alors que le président Alassane Ouattara et l’autre grande figure de l’opposition, Laurent Gbagbo, qui seront tous deux octogénaires en 2025, refusent encore de céder leur place.

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