Héritée de la période coloniale, la loi criminalisant les relations sexuelles entre personnes de même sexe a été invalidée, vendredi 21 juin, par la Haute Cour de Namibie. « Le délit de sodomie est déclaré anticonstitutionnel et invalide », a souligné la juridiction de la capitale namibienne, Windhoek, dans son jugement. Elle a déclaré également contraire à la Constitution « les délits de sexe contre nature ». La Haute Cour avait été saisie par un militant namibien LGBTQ+.
« Nous ne sommes pas persuadés que, dans une société démocratique comme la nôtre, (…) il soit raisonnablement justifiable de considérer une activité comme criminelle, uniquement parce qu’une partie, ou peut-être une majorité, des citoyens ne l’acceptent pas », ont considéré les juges de la Haute Cour. Leur décision peut faire l’objet d’un recours en appel devant la Cour suprême du pays.
La loi « sur la sodomie », interdisant les relations sexuelles entre personnes du même sexe en Namibie, datait de 1927, lorsque ce pays était sous mandat sud-africain. Elle n’avait pas été modifiée depuis l’indépendance, en 1990, mais était rarement appliquée. Cette décision d’invalidation a été largement saluée par la communauté LGBTQ+, confrontée depuis un an à des marques d’intolérance croissantes, selon les ONG.
« Un jour magnifique pour notre démocratie, notre pays et notre Constitution »
A l’annonce de la décision, la joie des militants était visible sur les photos mises en ligne par le groupe de défenseurs des droits Equal Namibia. On y voyait des dizaines de militants massés devant le tribunal, brandissant des pancartes où il était écrit « Décolonise ma sexualité » ou « Vire la loi de ma vie amoureuse ». L’ONG Human Dignity Trust, établie à Londres, a salué une décision « historique », qui met à bas des lois permettant la stigmatisation et la discrimination. « La communauté LGBT+ de Namibie peut maintenant envisager l’avenir sous un jour meilleur », a estimé sa directrice générale, Téa Braun, dans un communiqué.
Le programme des Nations unies de lutte contre le VIH et le sida, Onusida, qui a salué une « victoire significative », voit à travers cette invalidation « une étape-clé vers une Namibie plus inclusive ». « Grâce à cette décision, je ne me sens plus traité comme un criminel dans mon propre pays, simplement à cause de qui je suis », s’est réjoui le militant Friedel Dausab dans un communiqué de l’association Human Dignity Trust, qui soutenait l’action en justice. « C’est un jour magnifique pour notre démocratie, notre pays et notre Constitution », a-t-il ajouté auprès de l’Agence France-Presse (AFP).
Le militant demandait l’annulation de toutes les condamnations antérieures prononcées en vertu de ces lois, rapportait Amnesty International dans un communiqué mercredi 19 juin. L’ONG estime que « la Namibie connaît un fort recul anti-LGBT+ depuis un an, principalement sous l’impulsion de croyances et de leaders religieux ».
Une loi contre les mariages homosexuels toujours en attente
La décision du tribunal namibien intervient dans un contexte d’intolérance croissante envers les LGBTQ+ en Afrique australe. Les efforts pour améliorer les droits des LGBTQ+ avaient suscité des manifestations au Malawi et au Botswana. La Namibie a vu affluer de nombreuses affaires relatives aux droits des homosexuels à se marier, à devenir parents ou à immigrer.
En mai 2023, la Cour suprême s’était prononcée en faveur d’une reconnaissance de certaines unions entre personnes de même sexe, contractées à l’étranger. Cette décision avait mis en colère les conservateurs de ce pays peu peuplé et majoritairement chrétien. Le Parlement namibien avait réagi ensuite en adoptant, en juillet 2023, une loi interdisant le mariage entre personnes de même sexe et en sanctionnant ses partisans. Le texte est toujours en attente de ratification par le président.
Cette loi définit le « mariage » comme une union « entre personnes de sexes opposés » et le « conjoint » comme « la moitié d’une union légale entre deux personnes nées génétiquement homme et femme ». Elle empêche également la reconnaissance légale des mariages homosexuels conclus à l’étranger. En Afrique, seuls quelques Etats ont dépénalisé les relations homosexuelles. L’Afrique du Sud reste le seul pays du continent où le mariage homosexuel est légal, depuis 2006.