Home Monde « L’an passé, on a vendangé sous les 49 °C »

« L’an passé, on a vendangé sous les 49 °C »

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Le vin marocain est-il condamné à disparaître ? Un tel scénario suscitait, il y a peu, des haussements d’épaules chez les producteurs du royaume chérifien, mais la réalité a fini par rattraper jusqu’aux plus optimistes. Qualifié par les Nations unies de territoire en « stress hydrique », le Maroc traverse en 2024 sa sixième année consécutive de sécheresse, frappé par des vagues de chaleur à répétition. Le thermomètre a frôlé les 50 °C en juillet et en août.

A tel point que la hausse des températures et le manque d’eau font peser sur les vignes du pays le risque de leur possible extinction, à en croire l’œnologue français Jacques Poulain, l’un des plus alarmistes. « C’est la catastrophe, les ceps que j’ai fait planter il y a moins de vingt ans sont en train de crever », s’inquiète le chef vigneron de La Ferme Rouge, le numéro deux du marché, dont les quelque 30 hectares (ha) produisent 6 millions de bouteilles par an.

Situé dans la région viticole du Zaër, à une heure de route au sud de Rabat, le domaine, auquel Jacques Poulain s’est associé en 2008 avec Amine Sourelah, le fils d’un général marocain, subit de plein fouet les effets du réchauffement climatique. « Il n’y a pas eu de précipitations normales depuis 2018 », assure le natif d’Arcachon, passé par le Bordelais, qui estime qu’à peine 180 mm d’eau sont tombés cette année, contre 700 mm il y a sept ans. « On stockait de l’eau en hiver dans des bassins, avant de la restituer au besoin au printemps, mais ils sont vides depuis quatre ans. »

Situation paradoxale

Trois jours au-dessus de 38 °C et la vigne « se dérègle » pendant neuf jours, explique-t-il : « La sève se bloque et le raisin n’est plus nourri. » Neuf jours de forte chaleur retarderont de trois semaines les vendanges. Résultat : le volume des raisins récoltés a chuté. « En temps normal, c’est entre 7 et 10 tonnes par hectare. Aujourd’hui, on est heureux si on fait 4 tonnes. »

A une demi-heure de voiture au sud de Meknès, sur les contreforts du Moyen Atlas, le Domaine de Baccari, un vignoble familial vieux d’un demi-siècle sur lequel ont été plantés une vingtaine d’hectares de cépages français, subit lui aussi les contrecoups du changement climatique. Les vendanges y ont commencé et le temps s’annonce moins dur cette année, mais le souvenir de l’été caniculaire de 2023 reste vivace.

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« On a vendangé sous 49 °C, ce fut un cauchemar », annonce d’emblée Nahla Bahnini. Ancienne directrice chez Saint-Gobain, la Franco-Libanaise s’est lancée avec son mari marocain, chirurgien de profession, et l’aide du consultant viticole star Stéphane Derenoncourt. En 2015, le couple sortait ses premières bouteilles. Le domaine en produit désormais 80 000 en moyenne chaque année.

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