Alors que le cyclone Chido a laissé derrière son passage, samedi 14 décembre, un paysage de désolation à Mayotte, la catastrophe relance le débat autour de l’immigration illégale et ressuscite les tensions avec les Comores voisines.
Pris à partie par des habitants en colère du manque d’aide de l’Etat dans ce département, le plus pauvre de France, Emmanuel Macron a annoncé dès son arrivée, jeudi, qu’il voulait « renforcer la lutte contre l’immigration clandestine » et augmenter les reconduites à la frontière. Ancienne colonie et département français depuis 2011, l’archipel situé dans l’océan Indien compte environ 320 000 habitants selon l’Insee, dont plus de la moitié est étrangère, auquel il faut ajouter un nombre indéterminé de clandestins. La majorité d’entre eux est venue des Comores voisines et vit dans des bidonvilles dont les tôles ont été balayées.
Officiellement, 31 morts et quelque 2 500 blessés ont été recensés, mais « il est vraisemblable qu’il y ait beaucoup plus de victimes », a déclaré Emmanuel Macron, jeudi. La chaîne de télévision locale Mayotte La 1ère évoque des dizaines de milliers de victimes selon des secouristes.
Emmanuel Macron a appelé son homologue comorien Azali Assoumani « pour discuter des conséquences de Chido », indique la présidence comorienne. Moroni a exprimé aux autorités françaises sa disponibilité à « envoyer de l’eau et des vivres » pour aider ses « frères et sœurs de Mayotte ». « Ce drame humain est d’abord comorien. Nous n’avons pas d’autres choix que d’être solidaires », souligne le porte-parole de la présidence. Dès le 16 décembre, deux jours après le passage du cyclone, les Comores ont annoncé que le pays était en deuil national pour une semaine, soit sept jours avant la France.
Le précédent Wuambushu
Mais, derrière les gestes de solidarité, l’amertume se fait sentir. Antoisse Ezidine, directeur de la communication au secrétariat général du gouvernement comorien, critique l’incapacité de Paris à livrer le bilan des victimes du cyclone et estime que « la responsabilité de la France est pleine et entière ».
Les propos de Bruno Retailleau, le ministre de l’intérieur démissionnaire, mardi, ont été très mal reçues aux Comores. « On ne pourra pas reconstruire Mayotte sans traiter, avec la plus grande détermination, la question migratoire », avait-il déclaré. Il nous faut être « beaucoup plus dur vis-à-vis des Comores », a-t-il martelé, le lendemain, au micro de BFM-TV. Des déclarations « incompatibles avec le moment », déplore Hamadi Madi Boléro, conseiller diplomatique du président comorien. Alors que « chacun pleure ses morts », les habitants de Mayotte ont surtout besoin d’un « soutien moral, matériel et financier », dit-il.
Les bonnes relations entre MM. Macron et Assoumani s’étaient déjà dégradées lors du lancement de « Wuambushu » en avril 2023 par le gouvernement français. Cette opération avait pour but de démanteler les bidonvilles et de lutter contre les « gangs » et « l’immigration illégale » selon Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur. Mais elle avait également suscité la colère de Moroni, qui dans un premier temps avait refusé d’accueillir les navires français.
En 1974, les Mahorais avaient choisi lors d’un référendum de rester dans le giron français, à la différence des trois autres îles de l’archipel, devenues indépendantes en 1975. Ce vote n’est toutefois pas reconnu par les Nations unies, qui considèrent que Paris ne respecte pas l’unité et l’intégrité territoriale des Comores. La France a été condamnée à plus de 20 reprises par l’Assemblée générale de l’ONU en cinquante ans.