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« Les gens n’ont jamais vu ça »

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Un phénomène rare et meurtrier. Selon un dernier décompte publié lundi 9 septembre au soir par le ministère marocain de l’intérieur, dix-huit personnes sont mortes en raison des précipitations torrentielles qui se sont abattues vendredi et samedi dans plusieurs régions du royaume. Un ressortissant espagnol, un autre canadien et un troisième péruvien sont au nombre des victimes. Le bilan est particulièrement lourd dans la province de Tata, au sud-est d’Agadir, où dix décès ont été enregistrés dans les seuls douars inondés d’Igmir et d’Aoukerda, à proximité immédiate de l’oued Tamanart.

Perchés à 1 000 mètres d’altitude dans l’Anti-Atlas, les deux villages, coincés dans les gorges encaissées de Smouguen, ont été ravagés par une avalanche d’eaux boueuses qui a fait s’effondrer plusieurs bâtisses. Les opérations de secours ont débuté dimanche à l’arrivée de l’armée, mais des habitants se trouveraient encore sous les décombres. Au moins quatre personnes sont portées disparues.

Signe de l’extrême violence de la crue, des corps ont été emportés par la rivière sur plus de 30 kilomètres, selon des témoignages. « Il y a des gens de 90 ans qui disent n’avoir jamais vu ça. Moi-même, je n’ai pas le souvenir d’avoir déjà assisté à un tel déluge », témoigne Ahmed Bouzihay, le maire de la commune de Fam El-Hisn, plus au sud.

L’eau a tout emporté

Pas de victimes dans les autres douars, mais des oasis partiellement détruites. A Anamer, 90 % des palmiers sont à terre, alerte Moussa Oumoussi, membre d’une association locale de développement. « Certains étaient centenaires, ce qui témoigne de la violence rare de ces pluies. » Routes, puits et réseaux d’électricité et d’eau potable n’ont pas non plus été épargnés.

L’intensité des précipitations a stupéfié la population. En seulement douze heures, elles ont dépassé par endroits les 50 millimètres, alors qu’il ne pleut quasiment plus ici depuis 2014, assure Lahcen Ahouate, le président de l’ONG Alcesdam, qui lutte contre la désertification à Tata. « Les gens se sont habitués à la sécheresse et ont fini par construire à proximité de l’oued, sans se rendre compte qu’un jour ou l’autre, il allait finir par reprendre ses droits. »

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Des vidéos, partagées par des habitants, montrent les maisons et les petits immeubles d’Igmir, certains d’allure récente, bordant l’oued de quelques mètres à peine. L’eau a tout emporté : arbres, chaussée, poteaux électriques, murs, voitures…

Des crues similaires ont fait cinq morts dans le territoire semi-désertique du Drâa-Tafilalet, à l’est de Marrakech, tandis que trois autres personnes sont décédées dans la région de Tiznit, elle aussi à prédominance aride. Le record de précipitations a été atteint dans celle de Zagora, proche du Sahara, où il est tombé en deux jours plus de 200 millimètres. « C’était spectaculaire. On craignait que la rivière [l’oued Drâa] ne déborde et nous inonde, mais heureusement, ça n’a pas eu lieu », raconte un hôtelier, soulagé.

Deux masses d’air opposées

« Les précipitations enregistrées représentent environ la moitié des précipitations annuelles normales dans certaines régions concernées. Dans plusieurs zones, elles ont même dépassé les moyennes annuelles habituelles, ce qui souligne le caractère exceptionnel de l’événement », indique la direction générale de la météorologie (DGM). Dans toutes les zones concernées, près de soixante maisons se sont écroulées, selon les autorités.

A l’origine de ce déchaînement climatique, la convergence entre deux masses d’air opposées : l’une chaude et humide venue du sud, l’autre froide en provenance du nord. Leur rencontre a entraîné la formation de nuages instables qui ont déclenché des pluies diluviennes suivies de crues, en un très court laps de temps. « Le relief a joué un rôle dans la concentration de ces précipitations, les montagnes et les collines dirigeant l’eau vers les vallées et les bassins, ce qui a augmenté le niveau de l’eau dans les oueds », précise Lhoussaine Youabd, le porte-parole de la DGM.

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Des épisodes similaires ont déjà été observés au Maroc, comme en 2014, lorsque des inondations dévastatrices avaient frappé la province semi-aride de Guelmim, au centre du pays. Mais il s’agissait alors d’un flux venant de l’Atlantique. Fait rare, cette fois, c’est la montée inhabituelle vers le royaume du front intertropical, proche de l’équateur, qui est en cause. Une instabilité qui devrait s’atténuer dans les jours à venir, la DGM misant sur un retour progressif à la normale.

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