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Marie Nimier, écrivaine publique

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Marie Nimier nous attend place du Châtelet, à Paris, en veste bleu profond assortie à ses yeux, debout – la brasserie où nous avons rendez-vous est bondée en cette fin juin orageuse. A peine a-t-on le temps d’être impressionnée par la fille de l’écrivain Roger Nimier (1925-1962) qu’elle brise la distance en proposant d’aller boire une canette dans une boulangerie, cherchant son chemin dans sa ville natale, qu’elle a quittée pour la Normandie il y a vingt-cinq ans.

Elle ne porte pas de foulard bleu – son signe de reconnaissance à Tunis, en 2020, quand, attablée au café près du marché, un cahier et un stylo devant elle, elle se tenait prête à recueillir les confidences de qui voudrait. En plus de l’annonce lancée à la radio, l’Institut français battait le rappel. Pour les personnes timides ou débordées, cela marchait aussi par téléphone. Très vite, Marie Nimier a été submergée. Son amie tunisienne, Mona, l’avait prévenue. « Tu verras, les gens ici aiment parler, et ce n’est pas un ­livre qu’il te faudra écrire, c’est une encyclopédie. » Deux mois plus tard, l’écrivaine est repartie, chargée de confidences d’anonymes – longues ou brèves, intimes ou politiques, drôles ou graves –, avec la liberté d’en faire ce qu’elle voulait. « Les Tunisiens ont compris tout de suite ce principe, ils ont tous un parent ou un grand-parent qui leur a raconté des ­histoires, ils ont l’habitude du conte », explique-t-elle.

Paru en France en mars, Confidences ­tunisiennes a été depuis interprété sur scène par Naidra Ayadi dans plusieurs lieux de Tunisie. La comédienne française s’est glissée dans les mots de plusieurs personnages du livre : Malek, « le moderniste » qui se présente comme un homme moderne parce qu’il boit du rouge, fume des blondes et dit à sa femme « Ne t’inquiète pas, azizti [“chérie”], je m’en occupe » ; Salsabil, « la dépanneuse » qui redonne aux futures mariées leur virginité par un procédé uti­lisant des morceaux de placenta ; ou encore le chauffeur du « taxi culturel », qui a aménagé son véhicule afin d’en faire une librairie-cinéma-discothèque-confessionnal, car, pour lui, « faire ce métier, ce n’est pas simplement emmener un passager d’un point à l’autre. La voiture est déjà une destination ».

« Croiser des destins, des regards, des émotions »

Beau succès, la performance, suivie d’un échange avec le public, a été programmée dans plusieurs festivals en France, comme Le Marathon des mots, à Toulouse, fin juin. Cette adaptation pour la scène réjouit Marie Nimier. Surtout, elle jette un pont entre le projet « Confidences », commencé en 2017 et qui a déjà donné un livre aux éditions Gallimard (2019), et ses débuts au théâtre, à l’âge de 15 ans. « J’ai fait le lien entre les “Confidences” et mes premiers pas sur scène, qui ont d’ailleurs eu lieu dans la rue, avoue-t-elle. Il y a un rapport entre jouer pour les passants et écouter leurs confidences. N’importe qui peut arriver, s’arrêter, partager un moment et repartir. C’est une ­façon identique de croiser des destins, des regards, des émotions avec des gens qu’on ne connaît pas et qu’on ne ­reverra jamais. »

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