Chaque semaine, dans le cadre de sa sélection musicale, Le Monde Afrique vous présente trois nouveautés issues ou inspirées du continent. Aujourd’hui, direction le Nigeria, où les artistes estampillés « afrobeats », qu’ils soient déjà bien établis ou en recherche de notoriété, surfent désormais sur une nouvelle vague venue d’Afrique du Sud : l’amapiano.
Genre musical né à Lagos avant de conquérir l’Afrique puis le monde entier, l’afrobeats est un mélange de hip-hop, de R&B et de dancehall agrémenté de sonorités issues de genres ouest-africains tels que le highlife ghanéen ou la « juju music » nigériane. L’amapiano, lui, représente la dernière évolution de la house sud-africaine et se caractérise par des nappes de synthé planantes, des accords jazzy, des basses élastiques et des rythmiques rappelant les percussions traditionnelles sud-africaines. Apparu dans les années 2010, ce style explose depuis quelque temps, au point de menacer la suprématie de l’afrobeats.
Mais c’est compter sans la capacité d’adaptation des Nigérians et leur aptitude à sentir le sens du vent. Démontrant l’étonnante plasticité de l’afrobeats, une musique apte à absorber et digérer n’importe quel style ou presque, les voilà qui troquent les rythmes syncopés hérités du dancehall pour l’ambiance plus « lounge » de l’amapiano. Alors que l’afrobeats commençait à tourner en rond, reproduisant à l’infini les mêmes recettes pour produire des tubes hyperformatés, ce vent nouveau venu d’Afrique du Sud souffle une fraîcheur bienvenue sur la musique nigériane et contribue à renouveler le genre.
Ce qui n’est pas forcément pour plaire, à Johannesburg, aux gardiens du temple de l’amapiano. Ainsi de DJ Maphorisa, l’un des pionniers du genre, qui, dans une vidéo publiée sur Instagram, exhortait récemment les producteurs nigérians à ralentir le tempo : « S’il vous plaît, jouez l’amapiano plus lentement ! Vous ne pouvez pas jouer de l’amapiano à 120 BPM [battements par minute], comme [si vous jouiez] du hip-hop ! Jouez-le à 113, 114, 115 BPM. »
Pour cette sélection musicale, nous avons choisi de vous présenter trois morceaux récents, signés d’Adekunle Gold, de Young Jonn et d’Eli Jae, qui illustrent cette nouvelle tendance.
« Rodo », d’Adekunle Gold
Les premières secondes de Rodo sont éloquentes : une rythmique certes inspirée de l’afrobeats, mais doublée d’un synthétiseur feutré bientôt rejoint par le son lointain d’un saxophone. Dans ce single paru fin avril, Adekunle Gold, poids lourd de l’afrobeats avec cinq albums depuis 2017 (dont le dernier en date, Tequila Ever After, en 2023) et près de 3 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify, réussit la fusion parfaite avec l’amapiano.
Le chanteur et compositeur de 37 ans, signé chez les Américains de Def Jam Recordings et qui vit entre Lagos et Los Angeles, propose ici un morceau simple d’apparence mais à l’équilibre soigné, entre subtilité sud-africaine et efficacité nigériane.
« Big Big Things », de Young Jonn (feat. Kizz Daniel & Seyi Vibez)
Young Jonn, lui, ne fait pas dans la dentelle – ou alors XXL. En témoigne le clip de Big Big Things, où, accompagné de deux autres artistes nigérians, Kizz Daniel et Seyi Vibez, le chanteur et producteur de 29 ans originaire d’Ibadan, à 140 km au nord-est de Lagos, affiche son goût pour les rondeurs sur une composition 100 % amapiano, aux basses roulantes et au tempo de 113 BPM que ne renierait pas DJ Maphorisa.
Après s’être illustré aux côtés de stars de l’afrobeats telles que Davido, Olamide ou Tiwa Savage, Young Jonn a fait paraître sur le label nigérian Chocolate City Music, mi-avril, son album Jiggy Forever, dans lequel il invite notamment le Jamaïcain Sean Paul, star mondiale du dancehall.
« All Over », d’Eli Jae
Un rythme typique de l’afrobeats, des basses caractéristiques de l’amapiano, une voix venue du R&B. Originaire de Port Harcourt (sud), Abuchi Elijah Emedem alias « Eli Jae », 27 ans, refuse de choisir entre ses différentes influences, citant aussi bien le Nigérian Davido, la Sud-Africaine Tyla ou l’Américain Usher.
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Après avoir travaillé pour d’autres artistes et s’être fait connaître grâce à ses reprises sur YouTube et les réseaux sociaux, le jeune artiste a publié un premier EP, Blend, en 2023, suivi en février dernier par le single All Over. Décliné également en version acoustique, ce morceau annonce un nouvel opus à paraître cette année sur le label nigérian Squareball Entertainment.
Retrouvez tous les épisodes de la série « Dans les coulisses de l’afrobeats » ici.