« C’est un endroit où les erreurs sont célébrées, un endroit qui permet d’avoir de l’espoir à côté du désespoir. » Ainsi la plasticienne Bronwyn Lace définit-elle le Centre for the Less Good Idea, qu’elle a fondé à Johannesburg, en 2016, avec William Kentridge, héraut de la création sud-africaine. Consacré à la performance, à la musique et à toutes les expérimentations, ce singulier « centre pour l’idée moins bonne » est l’invité de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, à Paris, jusqu’au 20 mai.
L’institution parisienne a vidé ses salles pour s’ouvrir grand à une trentaine d’artistes en résidence : pas d’exposition, mais un fourmillement de concerts, d’ateliers de percussions, de conférences et de rencontres, ouverts au public sur réservation.
Ce n’est pas la première fois que The Centre for the Less Good Idea voyage : il a déjà été convié aux Etats-Unis, au Barbican, à Londres, à Dresde, en Allemagne. « L’idée, c’est d’exporter l’énergie de Johannesburg, cette ville difficile mais si belle et vibrante, qui balance comme un pendule entre l’exquis et le tragique », clame Bronwyn Lace. Pour la Fondation Cartier, c’est aussi une façon de semer une première graine, dans la perspective de laisser une plus large place à la performance, au-delà de ces fameuses Soirées nomades qui font partie de son ADN depuis sa création.
Le 14 mai au soir, la cérémonie d’ouverture donnait le « la ». Sur scène, un guitariste de Madagascar, un batteur béninois, un pianiste et un guitariste sud-africains ; ils se sont rencontrés pour la première fois la veille, se sont mutuellement enseigné leurs compositions. On croirait qu’ils ont toujours joué ensemble. Même harmonie vibrante entre ce chœur gospel de la Seine-Saint-Denis et ces chanteurs venus de « Joburg » : l’invention collective d’un chant, et d’une émotion. Toute la semaine vont ainsi s’activer rencontres et dialogues sans frontières : « Il s’agit avant tout de comprendre comment avoir du sens, en tant qu’artiste, dans notre monde », soutient Bronwyn Lace.
« Mêler toutes les disciplines »
« Pour une fois, un safe space pour la stupidité » : le slogan claque au-dessus de la scène, et résume bien l’état d’esprit de cet incubateur hors du commun. « Nous avons créé ce lieu, car il manquait en Afrique du Sud un espace artistique qui autorise le risque, raconte William Kentridge, principal financeur de la structure. Un lieu qui ne soit ni commercial ni financé par les puissances publiques, qui font souvent peser sur les artistes une sorte d’obligation à aborder des questions directement sociétales, comme le danger de la transmission du sida par les mères aux enfants. Un lieu où les choses sont moins mesurables, plus ouvertes. »
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