Home Politique à Lorient, ancien fief de Jean-Yves Le Drian, « les digues ont sauté »

à Lorient, ancien fief de Jean-Yves Le Drian, « les digues ont sauté »

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Devant l’étal du charcutier du marché du port de Lomener, à Ploemeur (Morbihan), ils hésitent entre le pâté à l’ail et la terrine de campagne. Christian et Christine, couple de retraités de 65 ans, surveillent la file qui s’étire derrière eux, ce matin du lundi 17 juin. Va pour une tranche de pâté à l’ail. Le boucher la découpe dans un silence de plomb. D’habitude, les clients trompent l’attente en discutant de la météo, de l’arrivée des touristes, du retour des résidents secondaires… et, bien sûr, de l’actualité. Mais depuis les résultats des élections européennes, le 9 juin, chacun redoute de se fâcher avec son voisin.

Dans cette station balnéaire (23,8 % des suffrages) comme dans le reste de la 5e circonscription du Morbihan, le Rassemblement national (RN) est arrivé en tête. Cette inédite vague d’extrême droite a provoqué un tremblement de terre politique dans cet ancien bastion de gauche, où Jean-Yves Le Drian, alors socialiste, avait été élu député deux décennies durant avant d’officier comme ministre de François Hollande puis d’Emmanuel Macron, de 2012 à 2022.

Ce lundi, les habitués du marché de Lomener dégoupillent le sujet tabou avec précaution. Leur panier rempli de victuailles, Christian et Christine soufflent : « Le score du RN vous étonne vraiment ? Vous n’entendez pas le ras-le-bol ? » La Bretagne est pourtant une région économiquement prospère, connue pour être la plus rétive aux idées de l’extrême droite. Les retraités haussent les épaules. Par le passé, ils ont pu voter pour des socialistes, notamment lors de scrutins locaux. Désormais, Christian et Christine optent pour le parti de Marine Le Pen « sans la moindre honte ». Le 30 juin, ils recommenceront « sans scrupule » pour remplacer la députée (Renaissance) sortante, Lysiane Métayer, par la candidate RN, dont ils ne connaissent pas le nom.

Christian et Christine s’épanchent désormais à haute voix, mais refusent de dévoiler leur nom de famille, par crainte de « représailles ». « Prendre un coup de couteau est devenu banal », assène Christian. Il n’a pourtant jamais été agressé. Peu importe, ces grands-parents fustigent l’insécurité « grandissante », les impôts qui « étranglent », les « privilèges offerts » à ceux qui « ne bossent pas »… Lui était marin. Christine, femme au foyer. Elle s’indigne : « Voyez comment il est difficile de se loger dans le pays de Lorient. Pourtant, on continue d’accueillir des cars de migrants à bras ouverts. Je ne suis pas raciste, mais… » Autour, personne ne conteste. Des passants opinent. D’autres retraités surenchérissent. Les résultats du 9 juin ont désinhibé les électeurs bretons d’extrême droite, désormais prêts à assumer leurs convictions.

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