Ce lundi 10 juin au matin, Emmanuel Macron a l’allure des conquérants, ceux à qui rien ne résiste. Le président de la République, sourire éclatant, grimpe au pas de course, sans veste, dans le Super Puma élyséen qui doit l’amener à Tulle, ville martyre de la Libération. La défaite cuisante subie par son camp aux élections européennes, la veille, face à une extrême droite triomphante, semble déjà loin. Les regards sont maintenant tournés vers les législatives anticipées. Une campagne éclair se prépare depuis que le chef de l’Etat a, dimanche soir, prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale.
Semblant ne pas craindre d’offrir, par ce stratagème, une victoire au Rassemblement national (RN), Emmanuel Macron retrouve à bord de l’hélicoptère son conseiller mémoire, Bruno Roger-Petit, dit « BRP ». Le sexagénaire a orchestré le parcours mémoriel dans la commune de Corrèze où furent pendus, quatre-vingts ans plus tôt, 99 hommes sur ordre de la 2e division blindée Das Reich, trois jours après le débarquement des Alliés en Normandie.
Mais ce matin, les deux hommes ne parlent ni de l’histoire, ni du passé, mais de la bataille qui se profile. L’ancien journaliste, spécialiste des intrigues florentines des années Mitterrand, est l’un des artisans de cette dissolution qui a désarçonné les adversaires autant que les alliés. Emmanuel Macron, auteur de Révolution (XO Editions, 2016), y voit un retour aux sources, une audace retrouvée : « l’esprit du macronisme, c’est aller au peuple français en lui faisant confiance », s’épanche-t-il devant son conseiller.
Grandes manœuvres
Le coup de tonnerre a mis sur pause le récit d’une fin de règne. Et même si le Rassemblement national (RN) a des chances de rafler une majorité de sièges de députés, l’Elysée préfère dessiner une France, à rebours des tendances européennes, capable de s’unir derrière la majorité présidentielle contre les extrêmes. Les grandes manœuvres ont commencé au palais présidentiel. Le chef de l’Etat doit s’exprimer dans les jours à venir pour détailler le programme qui sera défendu dans les urnes. Il sera « clair » et, à en croire l’Elysée, des « surprises » sont encore possibles. Ensuite, « vienne qui veut », lance un proche du chef de l’Etat appelant toutes les forces républicaines de gauche ou de droite à rejoindre le camp présidentiel. Le président de la République tiendra une conférence de presse mardi après-midi.
Echaudé par les compromis concédés aux Républicains (LR) pour le vote du projet de loi « immigration », en décembre 2023, Emmanuel Macron n’entend plus « se compromettre », dit un conseiller élyséen. Hors de question que le président de la République se lance dans des « combinazione » – des petits arrangements – comme le font les oppositions, grince un proche du chef de l’Etat. Ensuite ? « Rien n’est écrit », répète inlassablement Bruno Roger-Petit qui, s’avançant vers un petit groupe de journalistes depuis Tulle lance, l’air badin, « ça suit son cours… de l’histoire ».
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