Home Politique des opérations d’ingérence de l’Azerbaïdjan qui n’expliquent pas tout

des opérations d’ingérence de l’Azerbaïdjan qui n’expliquent pas tout

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Les violences en Nouvelle-Calédonie, téléguidées au moins en partie par l’Azerbaïdjan ? C’est ce qu’a affirmé sur France 2, jeudi 16 mai, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. « Ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité. (…) Je regrette qu’une partie des leaders indépendantistes calédoniens aient fait un deal avec l’Azerbaïdjan, c’est incontestable. Cela donne une idée de ce qu’est parfois la démocratie, si l’on écoutait certains leaders. »

Que Bakou mène, depuis plusieurs mois, des opérations d’ingérence plus ou moins directe dans la politique calédonienne ne fait en effet guère de doute. Fin mars, comme l’avait noté Radio France, des drapeaux azéris étaient présents à une manifestation des indépendantistes kanak, vraisemblablement à l’initiative du Groupe d’initiative de Bakou (GIB).

Créé il y a un an à peine, son but est officiellement de « soutenir le combat contre le colonialisme et le néocolonialisme » de la France. A ce titre, sa conférence de création a accueilli des représentants de mouvements indépendantistes de Martinique, de Guyane, de Corse, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Son président, Abbas Abbasov, a nié toute implication dans les manifestations de mars, mais des t-shirts arborant le logo de son organisation étaient portés par des manifestants sur place.

De multiples précédents

Fin 2023, déjà, le renseignement intérieur français avait relevé que deux Azéries, se présentant comme journalistes, s’étaient rendues à Nouméa pour y suivre sur place la visite du ministre des armées, Sébastien Lecornu. Selon Europe 1, qui cite des sources au sein des services de renseignement, ces deux femmes sont en réalité proches des services d’espionnage de Bakou : l’une d’entre elles s’est vue refuser l’entrée sur le territoire et l’autre a rédigé plusieurs articles sur la mobilisation des indépendantistes, très critiques de la France, pour l’agence de presse d’Etat azérie.

La Nouvelle-Calédonie n’est pas le seul terrain sur lequel l’Azerbaïdjan tente, depuis plus d’un an, de nuire à l’image de la France. Après les émeutes de 2023, une opération de désinformation appelant au boycott des Jeux olympiques de Paris avait été diffusée en ligne, avec une ampleur notable. Cette opération, menée en deux temps, a été attribuée à des acteurs azéris par des enquêtes de presse comme par Viginum, la cellule d’enquête de l’Etat sur les ingérences étrangères. Sans qu’il soit possible d’établir un lien direct avec un service étatique de Bakou.

Une source gouvernementale a assuré à l’Agence France-Presse, jeudi, qu’une campagne liée à ces mêmes acteurs avait commencé la veille à diffuser « un montage montrant successivement deux policiers blancs avec des fusils à visée, puis des Kanaks morts ». Une campagne de désinformation jugée « assez massive, avec environ 4 000 publications » générées par des réseaux de comptes pro-Azerbaïdjan.

Les relations entre la France et l’Azerbaïdjan se sont fortement détériorées depuis l’offensive de septembre dernier, menée par Bakou, contre des séparatistes arméniens dans le Haut-Karabakh. Paris est un allié proche de l’Arménie et les tensions ont atteint un niveau particulièrement élevé le mois dernier, poussant la France à rappeler son ambassadrice en Azerbaïdjan, Anne Boillon. Officiellement, Bakou nie, de manière peu convaincante, toute implication dans des opérations de désinformation ou d’ingérence visant la France.

Un impact difficile à mesurer

Si des tentatives de déstabilisation de l’Azerbaïdjan en Nouvelle-Calédonie sont bien documentées, leur impact et le rôle de Bakou dans les violences de ces trois derniers jours n’en demeurent pas moins sujets à caution. Les publications sur Internet du GIB semblent avoir eu une portée limitée. Sur Facebook comme sur X (ex-Twitter), ses messages recueillent régulièrement plusieurs centaines de « likes » mais peu de commentaires, un différentiel qui est souvent le signe que les « j’aime » ont été achetés ou sont le fait de comptes automatisés.

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Il paraît surtout difficile d’attribuer l’origine des violences touchant la région à des opérations d’ingérence, même si celles-ci peuvent jeter de l’huile sur le feu. « Ce ne sont pas les acteurs étrangers qui créent la tension, a estimé Raphaël Glucksmann, tête de liste socialiste aux élections européennes et par ailleurs ancien président d’une commission du Parlement européen sur les ingérences étrangères. « Là, en l’occurrence, c’est une réforme constitutionnelle, c’est un problème interne. Mais ils se saisissent des problèmes internes pour mettre du sel sur les plaies et pour tendre la situation. »

L’Azerbaïdjan n’est d’ailleurs pas le seul acteur étranger à s’intéresser de près à la situation en Nouvelle-Calédonie. Plusieurs influenceurs prorusses, à commencer par la militante décolonialiste et panafricaniste Nathalie Yamb, ont vivement critiqué la mise en place de l’état d’urgence dans l’île. Des sites liés à la Russie, comme ceux du réseau de désinformation RRN/Doppelganger, ironisaient ce matin sur les accusations d’ingérence azérie, se demandant « comment une nation du Caucase du Sud pourrait être responsable d’une rébellion sur une île de l’océan pacifique ».

Un certain flou entoure par ailleurs d’autres accusations d’ingérence étrangère émises par le gouvernement français. Jeudi, le cabinet du premier ministre, Gabriel Attal a justifié auprès de Numerama le blocage de TikTok dans la région par « des ingérences et de la manipulation dont fait l’objet la plate-forme, dont la maison mère est chinoise. L’application est utilisée en tant que support de diffusion de désinformation sur les réseaux sociaux, alimenté par des pays étrangers, et relayé par les émeutiers ». Mais si TikTok a bien été utilisé par les manifestants et des émeutiers pour diffuser certains messages, le gouvernement n’a pas détaillé en quoi consistaient concrètement les campagnes de déstabilisation observées sur le réseau social.

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