Home Politique Entre associations d’élus et entreprises privées, le risque du mélange des genres

Entre associations d’élus et entreprises privées, le risque du mélange des genres

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Tournoi de pétanque, cours de cuisine et compétition de golf dans un 18 trous de prestige entièrement privatisé. Ce programme aux faux airs de team building d’entreprise a rassemblé, le 4 juillet, au golf d’Ormesson (Val-de-Marne), quelques dizaines d’élus locaux affiliés à l’Association des maires d’Ile-de-France (AMIF). Un événement organisé grâce à la générosité d’une dizaine d’entreprises opérant dans le BTP (Bouygues, Razel-Bec Fayat), l’immobilier (GreenCity), les crèches (Babilou) ou encore les transports (Lacroix & Savac), dont les intérêts économiques peuvent dépendre des décisions locales de ces mêmes élus, comme l’attribut de marchés publics, les plans d’urbanisme ou les permis de construire.

Ce « trophée des territoires », organisé chaque année depuis vingt-deux ans, est-il un symbole dépassé de la « politique à la papa », comme l’ont pensé certains élus en découvrant son existence, en août, dans un article grinçant du Canard enchaîné sur l’AMIF ? Il relance en tout cas les questionnements sur le bien-fondé des événements organisés par des associations d’élus avec des entreprises privées, où la limite entre partage d’expertise, lobbying et collusion peut parfois être floue.

« Nous sommes convaincus de la nécessité de créer des cadres de dialogue entre élus locaux et leurs différentes parties prenantes », défend Marion Vergeylen, la directrice générale de l’AMIF. En parallèle de son tournoi de golf, l’association embarque d’ailleurs chaque année une trentaine d’élus franciliens avec autant de représentants de ses entreprises partenaires en voyage d’études à l’étranger pour « s’inspirer des innovations et des bonnes pratiques des grandes métropoles mondiales ». « Le but n’est pas de discuter de marchés publics, assure Sophie Rigault, directrice de cabinet du président de l’association. Ce serait de toute façon complètement contre-productif, car, dans ce cas, les élus ne viendraient plus. »

« Ce n’est pas une ambiance très saine »

L’association Villes de France assume, elle aussi, les voyages à l’étranger qu’elle organise régulièrement pour ses membres (des élus de villes moyennes) avec le soutien financier et logistique de partenaires comme Engie ou Veolia. « Ces voyages traitent d’un sujet spécifique en lien avec les compétences des élus, comme la réutilisation de l’eau ou la transition énergétique », explique la direction de l’association.

« Il est légitime que des élus se tiennent au courant des innovations en participant à ce genre d’événement », estime le chercheur François Nicolle, qui a étudié les stratégies de lobbying à l’échelle locale. Mais les moments de sociabilité comme les tournois sportifs ou les soirées festives « se situent dans une zone grise entre la vie publique et la vie privée, très difficile à contrôler », note M. Nicolle. « Ces événements sont un moyen pour les entreprises de rencontrer les élus en tête-à-tête et les rendre redevables, estime ainsi un ancien participant des voyages de l’AMIF. Les entreprises les ont sous la main pendant plusieurs jours, ils se tutoient, vont jouer au casino ensemble : ce n’est pas une ambiance très saine. »

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