Les situations de crise sont toujours de puissants révélateurs. Les dissensions et les rivalités qui agitent le camp présidentiel depuis que la dégradation des comptes publics est avérée ont surgi au moment où l’unité est plus que jamais requise : les élections européennes de juin sont appréhendées par tous les partis comme le dernier test national avant le scrutin présidentiel de 2027. Le Rassemblement national (RN) caracole en tête des sondages, la droite et la gauche rêvent de retrouver un espace susceptible de mettre un terme au duopole qui les étouffe depuis 2017.
Ciblé de toutes parts, le parti présidentiel se doit d’avoir la carapace solide. Or l’inverse est en train de se produire, parce que la dérive mal anticipée des comptes publics et la nécessité de réagir vite pour combler les déficits ont fait dérailler le train. La campagne avait été conçue pour être européenne avant tout, axée sur les grandes menaces qui pèsent sur l’Union européenne et les moyens d’y répondre. Elle aurait dû être dominée par la figure tutélaire du président de la République. Elle prend une tournure franco-française, met en évidence les failles du bilan, fragilise le locataire de l’Elysée et lance la bataille de la succession.
Emmanuel Macron est directement touché par le revers conjoncturel qui voit la croissance ralentir, le chômage repartir à la hausse et les déficits se creuser. Dans le baromètre Elabe publié par Les Echos, vendredi 5 avril, le chef de l’Etat perd deux points de popularité et tombe à 25 %. Sa chute atteint 9 points dans l’électorat âgé, sensible à la question de la dette. Pilonné par les élus du RN qui se moquent des piètres résultats du « Mozart de la finance », menacé d’une motion de censure par ceux du parti les Républicains qui escomptent se refaire une santé en renouant avec le discours rigoriste de François Fillon, le camp présidentiel peine à trouver la parade. Il est devenu l’unique responsable d’une dérive à laquelle tous les partis d’opposition ont activement contribué en réclamant que perdure, au-delà du raisonnable, la politique du « quoi qu’il en coûte ».
Cacophonie au gouvernement
La pérennité du dépassement est en jeu. Pendant six ans, le ciment du « en même temps » a tenu, y compris lors de l’impopulaire réforme des retraites. Mais la lézarde apparue à la fin de l’année 2023 autour du projet de loi sur l’immigration se creuse à propos de la façon de réduire les déficits. Il y a bien à l’intérieur du parti présidentiel une aile gauche et une aile droite qui ne réagissent pas de la même façon, parce qu’elles conservent les réflexes de leur camp d’origine et divergent sur la façon de contrer la poussée du Rassemblement national.
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