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« La gauche devrait déconstruire les rivalités factices entre ville et campagne qu’exploite l’extrême droite »

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« Vous habitez Paris ? Oh là là, ma pauvre, je vous plains. Quel danger ! » Habituée à dialoguer sur le terrain dans les milieux populaires du Nord et du Pas-de-Calais, la géographe Béatrice Giblin connaît bien ces conversations où on la plaint d’être parisienne, et où s’exprime la crainte de la grande insécurité qui régnerait dans la capitale, « avec tout ce que l’on voit à la télé ». De l’Ancien Régime au poujadisme et du XIXe siècle à Vichy, Paris a été de tout temps représentée comme un endroit effrayant, où s’érigent les barricades, où sont concentrées les élites dominantes et les richesses qui manquent à la « province ».

A cette idée d’une « ville de tous les dangers », explique encore la directrice de la revue Hérodote, s’ajoute celle d’une cité complexe qui suscite le malaise et où l’on risque de se perdre. Des menaces confuses auxquelles se superposent les clichés globalisants sur les banlieues et les immigrés véhiculés en continu par certains médias.

Réels ou imaginaires, ces vieux clivages sont au cœur des discours actuels de l’extrême droite et de son enracinement dans les zones rurales. A la supposée « vraie France », celle de la « ruralité », est opposée à la fois celle des bobos improductifs des villes et celle des « Français de papier » des banlieues. Ces banlieues, « qu’est-ce qu’il [leur] faut de plus ? », s’indignait le maire (Rassemblent national, RN) de Perpignan, Louis Aliot, après les émeutes de 2023 consécutives à la mort de Nahel, tué par un policier, à Nanterre. « Dans les quartiers difficiles, il y a beaucoup plus d’argent public qui se déverse que dans nos campagnes », assénait encore Marine Le Pen, au mépris des études qui montrent la sous-dotation dont souffrent les quartiers populaires. Et d’opposer « ceux qui cassent » à « ceux qui ne se plaignent pas ».

« Le périurbain n’est pas l’enfer »

« Le RN oppose assez systématiquement trois espaces géographiques plus ou moins fantasmés : la France rurale et périurbaine des “oubliés” ; le monde des grandes villes (…) supposément favorisées par le pouvoir en place (…) et des territoires de “non-France”, les “quartiers” et les banlieues périphériques », résume la sémiologue Cécile Alduy, chercheuse associée à Sciences Po dans la revue Métropolitiques. Pareille présentation tente de faire disparaître les divisions sociales pour imposer une grille d’analyse fondée sur l’origine des habitants de différents espaces populaires.

La question « territoriale » masque ainsi la question sociale. Le succès des mots piégés « ruralité » et « territoires » (qui a remplacé « régions ») conforte cette « sublimation du local » que Béatrice Giblin juge « extrêmement dangereuse, car elle empêche les citoyens de penser la complexité : la moitié de la population rurale vient en réalité de la ville ; toutes les zones rurales ne sont pas en déclin ; la moitié des Français vivent en banlieue, et le périurbain n’est pas l’enfer ».

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