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« La période de campagne électorale s’ouvre de plus en plus tardivement, voire ne s’ouvre plus »

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Professeur de sciences politiques à l’université de Lille et chercheur au Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales, le politiste Rémi Lefebvre, qui a récemment coordonné l’ouvrage collectif Des élus déclassés ? avec le sociologue Didier Demazière (PUF, 132 pages, 11 euros), analyse les évolutions sur le long terme de ce phénomène médiatique et politique qu’est la campagne électorale.

Cette campagne européenne vous semble-t-elle se distinguer des autres campagnes électorales ?

Ce qui est très frappant à mes yeux, c’est de voir que les enjeux propres à cette campagne sont invisibilisés. Cela est souvent le cas pour les élections dites de second rang : leurs enjeux spécifiques sont rarement clarifiés, et les campagnes qui les précèdent sont détournées par les acteurs politiques pour capter l’intérêt des électeurs. Les élections régionales, locales ou européennes sont ainsi souvent abordées par le prisme national, ce qui alimente une certaine confusion et, à terme, une forme de désintérêt chez les électeurs. Bien sûr, il faut prendre garde à ne pas idéaliser le passé – la nationalisation des élections intermédiaires est une tendance ancienne –, mais ce phénomène s’est fortement accentué : on n’a, par exemple, jamais vu un président de la République s’impliquer autant lors d’élections européennes.

Un autre phénomène important à mes yeux, c’est le fait que les campagnes soient médiatiquement de plus en plus « parasitées » par des événements extérieurs, comme si le temps de campagne n’était plus en rien sanctuarisé. Cela est lié d’un côté aux logiques structurelles de l’agenda médiatique – un thème chasse l’autre – et à des stratégies d’instrumentalisation. Pour cette campagne européenne, par exemple, La France insoumise joue la carte de la guerre menée par Israël à Gaza – un thème dont les liens avec l’Europe ne sont pas évidents –, tandis que Jordan Bardella fait de ces élections un référendum anti-Macron.

Le mécanisme de décantation par lequel des thèmes saillants se détachent lors d’une campagne n’a dès lors plus lieu. Il n’y a plus de hiérarchisation des enjeux. Souvenez-vous : la campagne présidentielle de 2002 était axée sur l’insécurité ; en 2007, c’était la valeur travail qui était au cœur des débats avec le slogan « travailler plus pour gagner plus ». En 2017, le thème de campagne d’Emmanuel Macron était la nouveauté. Désormais, il ne semble plus y avoir de thème pour polariser les débats – ce qui ne favorise pas l’intérêt pour la politique puisque les gens ne disposent pas d’une question à laquelle se raccrocher.

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