En 2017, le macronisme a pu incarner un espoir, après l’épuisement successif des gouvernements de droite et de gauche. Sept ans plus tard, l’espace central a pris l’allure d’une citadelle assiégée que le chef de l’Etat tente de défendre coûte que coûte en se servant de la seule arme qui lui reste : la dramatisation. De la conférence de presse qu’Emmanuel Macron a tenue mercredi 12 juin, trois jours après sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale à la suite d’élections européennes catastrophiques pour la majorité présidentielle, émerge l’appel au sursaut, assorti d’une violente charge contre les extrêmes.
L’attaque ne vise plus exclusivement le Rassemblement national (RN), mais cible à égalité La France insoumise (LFI), accusée de menacer les valeurs républicaines en flirtant avec l’antisémitisme, le communautarisme, l’antiparlementarisme. L’émergence, à gauche, d’un « front populaire » différent de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, mais encore sous domination LFI, pour faire barrage à l’extrême droite, l’embarras de l’aile sociale-démocrate, l’implosion du parti Les Républicains, dont le président exclu, Eric Ciotti, s’est rallié au Rassemblement national en même temps que Marion Maréchal, la tête de liste de Reconquête !, le conduit à tenter de réimposer un bloc central en renvoyant dos à dos extrême droite et extrême gauche, en invoquant une opération de « clarification » qui ouvre une « bataille des valeurs ».
Si Emmanuel Macron n’a pas eu de mal à pointer l’incohérence idéologique des coalitions qui se nouent contre lui, s’il a pu dénoncer le risque de dévissage économique, d’appauvrissement social, de perte d’influence en Europe et dans le monde, la principale difficulté pour lui reste de remobiliser les électeurs qu’il a perdus entre 2017 et aujourd’hui, non seulement parce que sa politique s’est droitisée, mais parce qu’elle a été impuissante à contrer la montée du RN.
Aucun souffle nouveau
Rien, dans les priorités qu’il a confirmées ou les pistes qu’il a esquissées − un grand débat sur la laïcité, l’interdiction des téléphones portables aux enfants de moins de 11 ans, la suppression d’un échelon territorial, l’éventuel abandon des grandes régions − n’est annonciateur d’un souffle nouveau. Atteint par l’usure du pouvoir et l’impopularité, le chef de l’Etat est devenu, à son corps défendant, la énième incarnation d’un camp de la raison qui a prétendu affronter le réel pour mieux résoudre les difficultés, mais s’y est heurté comme les autres. Toutes les astuces invoquées pour tenter de rallumer la disruption − flatter le « peuple souverain », fustiger l’« esprit de défaite des élites », dénoncer les « bricolages d’appareil » n’y peuvent mais.
Le pari risqué de la dissolution est que, au bord de l’abîme, le partage de la contrainte apparaisse comme la moins mauvaise des solutions. Cela suppose, à tout le moins, de savoir tendre la main, écouter, retenir les propositions de ceux qui en formulent pourvu que la direction soit partagée. Acculé, Emmanuel Macron semble s’y résoudre. Il a tendu la main à la droite républicaine et aux sociaux-démocrates. Il a évoqué une « fédération de projets pour gouverner », offre tardive d’une coalition dont l’idée jusqu’à présent le révulsait. Qu’il lui ait fallu sept ans pour comprendre qu’il ne pouvait pas tout tout seul restera sa plus lourde faute.