Après plusieurs jours de réunion de son bureau politique, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) demande à Emmanuel Macron de dire clairement que le projet de réforme constitutionnelle à l’origine de la crise en Nouvelle-Calédonie ne sera pas soumis au Congrès. Ce projet visant à élargir le corps électoral local dans le territoire du Pacifique Sud a provoqué de violentes émeutes dans l’archipel depuis le 13 mai. Sept personnes sont mortes, dont deux gendarmes, et des centaines d’autres ont été blessées dans la plus grave crise qu’a connue l’archipel depuis les années 1980.
Si la tension est un peu retombée en Nouvelle-Calédonie, du fait notamment d’un important déploiement des forces de l’ordre, le retour au calme est loin d’être totalement assuré, constate le FLNKS dans un communiqué publié lundi 3 juin, heure de Nouméa (dimanche, heure de Paris). Des blocages routiers, notamment, demeurent malgré les appels du mouvement indépendantiste à « desserrer l’étau sur les principaux axes de circulation ». En cause, selon le FLNKS, les propos trop flous du président de la République, qui a simplement dit, le 23 mai, ne pas vouloir « passer en force » la réforme. Ces propos restent « incompris sur le terrain », remarque le mouvement, ajoutant qu’ils ne garantissent « en aucune manière l’abandon la réforme constitutionnelle litigieuse ».
Les violences sur l’archipel, accompagnées de pillages, dégradations et barrages routiers, ont éclaté après le vote par le Parlement à Paris de la réforme électorale en vue du scrutin provincial. Les indépendantistes jugent qu’elle va marginaliser la population autochtone kanak. Comme toute réforme constitutionnelle, le texte doit encore être entériné par un vote du Congrès.
« Afin de parvenir à renouer le dialogue (…), le Bureau Politique du FLNKS demande à ce que le Président de la République soit explicite dans ses propos en affirmant clairement qu’il ne convoquera pas le Congrès de Versailles et abandonne, par conséquent, cette réforme constitutionnelle », exhorte le communiqué. Selon le texte du FLNKS, « une telle annonce permettra de désamorcer la situation sur le terrain et d’apaiser les tensions actuelles pour une reprise des discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ».
Mission d’experts
Lors de sa visite surprise sur l’archipel le 23 mai, Emmanuel Macron n’avait pas prononcé le mot « retrait » concernant le projet de loi contesté. « Après avoir écouté tout le monde, avait-il dit, je me suis engagé à ce que cette réforme ne passe pas en force, aujourd’hui, et que nous nous donnions quelques semaines afin de permettre l’apaisement, la reprise du dialogue en vue d’un accord global. »
Le chef de l’Etat a installé une mission d’experts afin de réactiver le dialogue avec les indépendantistes. Mais il a également déclaré dans un entretien au Parisien le 25 mai qu’il pourrait activer un référendum sur la question, des propos qu’il a nuancés quelques jours plus tard.
Sur place, selon les autorités, la ville de Nouméa est repassée vendredi « en totalité » sous le contrôle des forces de l’ordre, mais, malgré les opérations de déblayage, des barrages restent présents et les militants indépendantistes déterminés à continuer leur mobilisation. L’aéroport international reste fermé jusqu’à nouvel ordre et le couvre-feu nocturne mis en place sur l’ensemble du territoire océanien maintenu jusqu’au 10 juin.
La Nouvelle-Calédonie, qui compte 270 000 habitants, est engagée depuis 1998 dans un processus d’émancipation de la tutelle française.