Dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, l’abstention n’a cessé d’augmenter. La France n’a pas fait exception à ce vaste mouvement de retrait civique : 39 % d’abstentions en 1979, 49,9 % en 2019. A quelques jours des élections européennes du 9 juin, les perspectives de mobilisation électorale semblent être toujours aussi faibles. Dans l’enquête électorale française menée depuis novembre 2023, le pourcentage d’électeurs vraiment sûrs d’aller voter n’a que faiblement frémi : 43 % en novembre 2023, 44 % en mars, 45 % en avril et 47 % en mai. Le taux d’abstention pourrait même repasser la barre des 50 % des électeurs inscrits comme lors de cinq des dix élections européennes tenues depuis 1979 (1989, 1994, 2004, 2009, 2014).
Ces abstentionnistes – définis ici comme ceux qui ne sont pas tout à fait sûrs d’aller voter – ont toujours le même profil social et démographique : les jeunes, en dépit du tropisme européen qui est le leur, s’abstiennent massivement (67,5 % des moins de 35 ans) alors que leurs aînés se mobilisent beaucoup plus (39 % seulement des 60 ans et plus prévoient de s’abstenir). La dimension socio-professionnelle n’intervient que faiblement : si 62 % des ouvriers et des employés prévoient de s’abstenir, ils sont aussi 61 % parmi les professions indépendantes, 53 % parmi les cadres supérieurs et 57 % parmi les cadres moyens.
Le niveau de diplôme qui contribue souvent à éclairer les choix politiques n’est d’aucune pertinence pour rendre compte de l’abstention : les très diplômés (bac + 5 et plus) sont même légèrement plus abstentionnistes (51,8 %) que les personnes avec un niveau de scolarité inférieur au baccalauréat (50,2 %).
Dimension plus politique que sociale
L’éloignement de l’objet européen, la complexité de son organisation politique, la difficulté de la campagne à faire exister un enjeu clairement européen, la tentation eurosceptique de nombre de forces politiques, particulièrement aux deux extrêmes du spectre partisan, contribuent à éclairer ce retrait de la décision électorale. Mais surtout, comme l’ont démontré à de nombreuses reprises Jérôme Jaffré et Anne Muxel, chercheurs au Cevipof, l’abstention qui prospère a une dimension plus politique que sociale. Tous les abstentionnistes ne sont pas des exclus de la politique.
Au regard de la participation aux élections européennes, trois populations peuvent être distinguées : les votants certains qui disent qu’ils sont sûrs d’aller voter (47 %), les votants potentiels qui avancent qu’ils pourraient aller voter (14 %) et les abstentionnistes (39 %). Parmi les votants certains, la proximité avec la droite radicale domine largement (30 %) devant celle de centre gauche (17 %) et celle du centre (15 %), la gauche radicale (11 %) et la droite de gouvernement (9 %) arrivant en queue de peloton.
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