Les conventions citoyennes sont appelées à s’inscrire parmi les instruments ordinaires de notre vie démocratique. C’est une bonne chose et une singulière éclaircie au cœur de la « crise démocratique » souvent soulignée. Car elles permettent d’instruire des problèmes de façon approfondie et dépassionnée, d’écouter savants et experts, d’entendre différents points de vue, de faire valoir des arguments et de suspendre un temps le fracas des affrontements pour enfin formuler des propositions substantielles et les adresser aux décideurs politiques à qui revient légitimement le dernier mot.
Leur rôle est de « préparer » le travail du législateur, selon les mots du président de la République, en lui fournissant un « cadre de référence » sinon en lui proposant une prédécision. Ce faisant, ces conventions rappellent que la démocratie ne consiste pas seulement à compter les voix et à désigner des représentants, mais à organiser une délibération ouverte à tous sur l’orientation de la loi commune. Elles honorent ainsi la promesse contenue dans l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Tous les citoyens ont droit de concourir, personnellement ou par leurs représentants, à [la] formation [de la loi]. »
La deuxième convention citoyenne avait pour objet la fin de vie. Construite, pour l’essentiel, sur le même modèle méthodologique que la première, elle a objectivement mieux fonctionné que la précédente, qui avait eu la lourde charge d’essuyer les plâtres. Le commanditaire politique, en particulier, a appris de ses erreurs passées. A la première, il avait demandé d’écrire un ensemble de politiques publiques sur une question à la fois ouverte et très large, sans doute trop ; à la deuxième, de trancher une controverse précisément située et de lui fournir un avis éclairé.
A la première, il avait promis de reprendre « sans filtre » ses propositions, faisant le lit de nombreuses déceptions ultérieures et suscitant l’incompréhension de beaucoup ; à la deuxième, plus prudent, un examen scrupuleux de ses conclusions et une forme de redevabilité. Ces progrès sont heureux : Rome ne s’est pas faite en un jour. Et il faudra sans doute encore de nouvelles expériences avant d’aboutir à une méthodologie parfaitement stable dont il sera alors peut-être souhaitable que la loi fixe les principes et les contours.
La réussite de l’exercice
Pour que ces exercices soient pleinement réussis, il importe cependant qu’il en reste quelque chose dans la décision publique et que l’on ne puisse pas dire : « Ils ont travaillé pour rien. » Ce fut le cas avec la convention citoyenne pour le climat, à laquelle justice doit être rendue sur ce point : la loi Climat et résilience qui en a résulté a scellé de nombreuses décisions en faveur de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. A tel point que, loin de partager la critique selon laquelle la montagne avait accouché d’une souris, beaucoup aujourd’hui les jugent trop ambitieuses ! Le zéro artificialisation net, les zones à faibles émissions ou encore les obligations de rénovation thermiques faites aux propriétaires bailleurs sont aujourd’hui la cible de nombreux lobbys, d’élus locaux, voire de partis populistes.
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