C’est une défaite pour les opérateurs télécoms, mais elle révèle l’ouverture d’un nouveau front dans leur longue bataille contre un impôt de production, qu’ils estiment injuste et inadapté. Dans un jugement rendu le 23 avril, le premier dans ce dossier, le tribunal administratif de Poitiers (Vienne) a rejeté la demande de Bouygues Telecom d’être déchargé des cotisations à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) assujettie aux antennes de téléphonie mobile qu’il exploite dans ce département. Pour la période visée, allant de 2020 à 2022, cela représentait un montant d’un peu plus d’un million d’euros.
« Les services de Bercy ont toujours été confiants sur la légalité de cet impôt. Le jugement est donc accueilli sans surprise », relativise le secrétariat d’Etat chargé du numérique. Les opérateurs sont toutefois décidés à poursuivre leur lutte. La filiale du groupe Bouygues, qui ne commente pas la décision du tribunal, réfléchit à faire appel. D’autres recours sont envisageables, en France ou à l’échelon européen.
« Est-ce logique d’imposer un tel niveau de taxation sur les télécoms au moment où la Commission européenne souligne l’importance des réseaux à très haut débit pour le futur de l’Union ? », interroge Romain Bonenfant, le directeur général de la Fédération française des télécoms (FFT), l’organisation qui représente les grands opérateurs français, à l’exception de Free (détenu par Xavier Niel, actionnaire à titre individuel du Monde).
« L’équité de la redistribution »
L’IFER, qui s’applique aux entreprises de réseaux (énergie, ferroviaire et télécoms), a été créé en 2010 dans le but de compenser une partie des pertes de ressources fiscales pour les collectivités territoriales, occasionnées par le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale (CET). Les opérateurs ne contestent pas ce principe, mais soulignent que les montants versés surpassent l’objectif compensatoire visé.
Au moment de la création de l’impôt, la recette annuelle était estimée à 140 millions d’euros. Or, selon le dernier décompte de la FFT, les télécoms ont payé 299 millions d’euros d’IFER mobile (ou IFER radio) en 2022 et plus de 2,5 milliards, depuis 2010. Et la facture va encore monter : étant appliqué sur chaque antenne et sur chacune des technologies (2G, 3G, 4G et 5G), plus les opérateurs installent de nouveaux relais de téléphonie mobile, plus ils paient d’IFER. Dans un rapport de 2021, l’inspection générale des finances (IGF) estimait à plus de 400 millions d’euros le montant de l’IFER mobile pour 2025.
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