l’exécutif dans le piège budgétaire

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Confronté au ralentissement de la croissance et au dérapage des comptes publics, l’exécutif peine à crédibiliser sa nouvelle stratégie budgétaire. Après avoir décrété 20 milliards d’euros d’économies pour 2024 en contournant le Parlement, le gouvernement de Gabriel Attal s’est attelé à la rédaction d’une nouvelle trajectoire qui doit conduire la France à ramener d’ici à 2027 son déficit public sous la barre des 3 % du PIB, alors qu’il vient d’être rehaussé à 5,1 %.

Présenté, mercredi 17 avril, en conseil des ministres, sous le double regard des agences de notation et de Bruxelles, auquel le document est destiné, ce nouveau programme de stabilité n’a pas davantage convaincu le Haut Conseil des finances publiques que les économistes qui avaient pris connaissance des chiffres il y a quelques jours. Prévisions de croissance surestimées, économies budgétaires insuffisamment documentées, la copie manquerait de « crédibilité » et de « cohérence », au regard de la situation des finances publiques, jugée « préoccupante », indique cet organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes. Le Fonds monétaire international anticipe quant à lui un déficit de 4,3 % à l’horizon de 2027.

Ces avertissements sans frais éclairent le piège budgétaire dans lequel sont tombés Emmanuel Macron et son gouvernement. Après avoir misé sur la politique de l’offre, le chef de l’Etat est contraint d’admettre que celle-ci ne suffit pas à garantir une croissance durable ni à réduire les déficits. La prise de conscience intervient dans les pires conditions politiques.

Scepticisme

Champion de la dépense en tout genre, le Rassemblement national part favori dans la campagne des élections européennes, tandis que le camp présidentiel, affaibli, vit sous la menace d’une motion de censure qui pourrait aboutir au renversement d’un premier ministre dont la nomination remonte à peine à trois mois. Pour cette raison, le chef de l’Etat a exclu à ce stade d’impliquer le Parlement, comme l’y invitait son ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Il a au contraire pris le parti de dédramatiser autant que possible la situation et de renvoyer au lendemain des élections européennes la confrontation politique.

La trajectoire budgétaire reflète ce choix. Modérément amorcée cette année, la réduction du déficit doit s’intensifier en 2025 et 2026. Si la courbe est respectée, 25 à 30 milliards d’euros d’économies devront être trouvées en 2025, soit bien plus que ce qui est dit publiquement. L’effort devra en outre se poursuivre ensuite. En excluant par idéologie de recourir à l’impôt, l’exécutif durcit un peu plus les conditions de l’exercice, sans pour autant fournir de pistes concrètes sur la reconfiguration de la dépense publique. Cette impasse alimente le scepticisme du Haut Conseil, qui chiffre à près de 60 milliards d’euros sur la période 2023-2027 le montant de l’ajustement budgétaire à réaliser. Jamais un tel effort n’a été effectué dans le passé, souligne-t-il.

On ne peut évidemment exclure que le document, censé rassurer Bruxelles, n’ait qu’un lointain rapport avec ce qu’il se passera réellement. Etre lanterne rouge des déficits dans la zone euro n’a pas empêché la France, ces dernières années, de conserver du crédit et de l’influence en Europe et ailleurs. Mais, avec une dette publique qui serait tout juste stabilisée à 112 % du PIB en 2027, sa marge de manœuvre pour se différencier s’est considérablement réduite. Différé pour des raisons électorales, le débat politique est plus que jamais nécessaire pour que chacun soit mis devant ses responsabilités.

Le Monde

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