Jeudi 30 mai, Reuters a révélé que TikTok travaillerait à la création d’un clone de son algorithme de recommandation. Ce dernier serait dédié aux États-Unis et serait alors indépendant de la Chine, où se trouve ByteDance, sa maison mère. Ultime tentative de rassurer les législateurs ou prélude à une vente ?
Un travail titanesque
La tâche du réseau social chinois a commencé fin 2023, selon Reuters. Avant que le projet de loi visant à l’interdire ou à en forcer la vente soit voté. Depuis quelques mois, des centaines d’ingénieurs de ByteDance s’attellent donc à la séparation des lignes de code de l’algorithme de TikTok.
Des lignes qui se comptent par millions. Ils ont reçu l’ordre de créer une base de données séparée, conçue pour être indépendante de Douyin, sa version chinoise. Les informations liées aux utilisateurs chinois doivent également être supprimées. TikTok a nié toutes ces informations.
Concrètement, cela créerait une séparation technique entre la version de TikTok aux États-Unis et celle dans le reste du monde. Toutefois, ce travail s’annonce extrêmement complexe. Une fois l’algorithme développé, il a été adapté au fur et à mesure pour convenir aux différents marchés sur lesquels la société s’est exportée.
Les sources parlent d’un « sale boulot fastidieux ». Le plus gros défi semble être la séparation du code sous-jacent aux activités américaines, du reste lié à la Chine par sa maison mère. Cela devrait prendre plus d’un an, toujours d’après l’agence de presse.
Autre défi : le respect de la loi. Déterminer quelle partie du code peut, ou non, être transférée entraîne des problématiques juridiques et de conformités. Ainsi, les ingénieurs seraient contraints de passer au crible chaque ligne de code, une par une, pour déterminer si elle peut être séparée du reste et intégrée à la nouvelle base de données.
Une fois cette base de code source finalisée, elle soutiendra l’algorithme de TikTok U.S. En d’autres termes, cette division de l’algorithme est un moyen de couper TikTok U.S. de la Chine. Depuis plusieurs années, la plateforme est régulièrement la cible de tentatives d’interdictions outre Atlantique.
À quoi joue TikTok ?
Plusieurs plans en ce sens ont échoué, comme dans l’État du Montana. Cependant, au début de cette année, un projet de loi a réussi. Il vise à forcer la vente de TikTok aux États-Unis dans un laps de temps de six mois. Si rien n’est réalisé durant ce délai, alors le réseau social serait interdit.
Ce projet de loi a avancé très vite dans les méandres législatifs américains. À tel point qu’il a été promulgué en avril. Mais tout n’est pas perdu pour ByteDance. Le géant chinois a intenté une action en justice devant un tribunal fédéral en mai, s’accordant ainsi un sursis.
Pour rappel, les Américains craignent que ByteDance soit liée au parti communiste et au gouvernement de l’empire du milieu. Washington évoque un risque pour la sécurité nationale si TikTok venait à être utilisé pour de l’espionnage ou de la propagande.
Plusieurs polémiques concernant l’accès et l’utilisation de données d’utilisateurs américains n’ont rien arrangé. TikTok a tenté de rassurer, notamment via son projet de relocalisation des données, nommé Texas. Sans succès.
À moins que la loi ne soit retoquée par la justice, TikTok semble donc se rapprocher du précipice au pays de l’oncle Sam. Deux solutions apparaissent alors : une vente de TikTok U.S., ou bien un changement qui rassurerait suffisamment Washington pour que la loi ne s’applique pas.
Selon Reuters, la division du code pourrait « jeter les bases » d’une cession des actifs américains. Une solution qui demeure peu probable. Pékin n’autoriserait pas une telle opération et ByteDance n’en a pas la volonté. Sans oublier que cela poserait des problèmes commerciaux, technologiques et légaux.
La division du code aurait plus probablement pour objectif de rassurer les autorités américaines et de stopper l’avancée du projet de loi. Cela montre aussi jusqu’où TikTok est prêt à aller. Son algorithme de recommandation est à l’origine de son succès mondial, y toucher peut se révéler risqué.
En admettant que les ingénieurs parviennent effectivement à séparer l’algorithme en deux, de nouveaux problèmes se poseraient. À commencer par une probable baisse des performances de la partie américaine, qui ne bénéficierait plus de la même façon des mises à jour.
