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Les mosquées ensevelies de Sabra, Raqqada et El Abbassia

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Que reste-t-il des villes médiévales de Sabra, Raqqada et El Abbassia ? À la recherche des lieux de mémoire de l’arrière-pays de Kairouan.

À quoi ressemblaient-elles : avaient-elles l’allure massive des mosquées abbassides ou le dépouillement des premiers sanctuaires de l’Islam ? Comment les imaginer, les revoir ne serait-ce que par la pensée ?

Une certitude prévaut : nous ne saurons jamais quelle fut la silhouette de ces mosquées médiévales, aujourd’hui ensevelies dans l’arrière-pays de Kairouan et probablement démantelées en totalité par le remploi de leurs pierres.

Plusieurs palais somptueux illuminaient la cité opulente de Raqqada, édifiée par le prince aghlabide Ibrahim II et devenue sa nouvelle capitale, héritière d’Al Abassia. Ces demeures patriciennes rayonnaient autour d’une grande mosquée aujourd’hui disparue.

Entourée de souks, de bains et de fondouks, cette mosquée de la splendeur de Raqqada n’existe plus que dans les récits historiques qui attestent des riches heures de cette ville que les habitants de Kairouan saccagèrent après le départ des derniers Aghlabides en l’an 909.

De cette mosquée, il ne reste rien sinon le souvenir et des vestiges éparpillés dans l’humus. Les fouilles du site ont révélé des stucs, des tessons de céramique, des inscriptions coufiques, des pierres sculptées dont les rosaces et les couleurs évoquent le décor des mosquées de Kairouan.

Cette mosquée disparue ne devait pas être solitaire mais enserrée dans une multitude d’oratoires qui sont autant d’invitations à penser une archéologie de ces sanctuaires, une renaissance de la pierre de ces traces antérieures qui attendent d’être exhumées.

Plus loin, à Sabra Al Mansouria repose aussi une autre grande mosquée inhumée dans les strates de la cité fondée par les Fatimides après la bataille de Kairouan. Édifiée en 947, Sabra fut peuplée par quatre mille familles des tribus Kutama et devint rapidement la prospére rivale de Kairouan.

La Grande mosquée de Sabra se trouvait dans un vaste réseau urbain ponctué de palais qui comme Kasr El Bahr restent parés d’une aura mythique. Construite par El Moez en 953, cette mosquée ensevelie par le temps et les guerres, subit de plein fouet la déferlante hilalienne alors que les Zirides avaient succédé aux Fatimides.

Il ne reste presque rien de Sabra et sa mosquée. Après sa destruction, la ville devint une carrière de pierres pendant plusieurs siècles, lorsque des générations de Kairouanais y trouvèrent les matériaux pour leurs propres édifices.

Aujourd’hui encore, les objets exhumés lors des campagnes de fouilles nous renseignent sur le siècle de Sabra, l’art fatimide et les résurgences zirides. Dans ces villes enterrées dont souvent il ne reste plus que les fondations, la mémoire des mosquées est vivace.

Il faut marcher au-dessus de Sabra, Raqqada ou Al Abassia, contempler le vide et ressentir les séismes souterrains qui traversent les entrailles du sol. Ces mosquées littéralement invisibles, confinées dans la stupeur et le silence, n’en racontent pas moins des siècles d’histoire.

Leur absence nous les révèle dans leur beauté immortelle. Peut-être un jour prochain en saurons-nous davantage sur ces mosquées ensevelies car, il est fatal que des inscriptions, des dédicaces ou des objets des siècles antérieurs soient exhumés de ces sites où l’archéologie est confrontée au paradoxe de mosquées monumentales effacées par le tumulte des époques, enfouies dans l’oubli et celées dans une terre de haute mémoire.

Comme Carthage, Raqqada est invisible, Sabra évanouie et El Abassia introuvable. Seuls des champs qui attendent patiemment que des fouilles révèlent enfin ces mosquées au destin de basiliques byzantines.

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