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des mesures aux effets pervers

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En période de campagne électorale, c’est un grand classique. Les mesures pour doper le pouvoir d’achat des électeurs pullulent. Cette campagne législative ne fera pas exception, d’autant plus que le choc inflationniste de 2022 et 2023 a laissé des traces dans l’esprit des électeurs. L’Institut Montaigne, think tank libéral, qui a renouvelé son exercice de chiffrage des programmes, a d’ailleurs décidé de commencer cette semaine par les mesures liées au pouvoir d’achat.

Suppression des frais de notaire pour les primo-accédants pour la majorité sortante, revalorisation des APL pour le Nouveau Front populaire, réindexation des retraites sur l’inflation pour le Rassemblement national… Parmi ce pêle-mêle d’idées, deux propositions sont emblématiques de la « fausse bonne idée », apparemment pleine de bon sens mais qui peut s’avérer inefficace ou, pire, délétère.

Effets pervers

En premier lieu, l’idée du Nouveau Front populaire de bloquer les prix des biens de première nécessité, dans l’alimentation, l’énergie et les carburants. La mesure est d’ailleurs la première à figurer dans son programme. Dans une note récente, Sylvain Bersinger, chef économiste chez Asterès, rappelle les raisons pour lesquelles cette idée est « absurde », selon ses propres termes. D’abord, le choc inflationniste est passé et les prix ont cessé de s’envoler. « Sur certains produits, comme les pâtes, les céréales, la volaille ou les poissons surgelés, la baisse des prix a déjà commencé », note l’économiste.

Ensuite, le blocage des prix peut avoir des effets pervers : il peut créer des pénuries ou des hausses de prix sur d’autres produits. Si le prix de vente n’est pas assez élevé pour compenser le coût, les entreprises peuvent en effet choisir de cesser de fabriquer le produit en question (surtout si les salaires augmentent au même moment). Ou d’augmenter les prix des autres produits qu’elles fabriquent. C’est ce qui s’est passé en Hongrie en 2023 : le blocage des prix a créé des pénuries et contribué à alimenter l’inflation, car les producteurs ont reporté les hausses sur d’autres produits.

11,5 milliards

Autre effet pervers : le blocage des prix peut coûter cher au contribuable, si le gouvernement compense la différence, comme l’a montré le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement sortant. L’Institut Montaigne a d’ailleurs chiffré le coût d’un blocage des prix dans l’énergie à 24 milliards d’euros. Vu l’état des finances publiques, il faudra soit s’endetter encore un peu plus, soit augmenter les impôts, soit baisser des dépenses publiques pour financer un blocage des prix qui, paradoxalement, profitera de manière non négligeable aux plus aisés car ils consomment plus que les plus pauvres.

Autre « fausse bonne idée » en matière de pouvoir d’achat, la baisse de la TVA pour les produits énergétiques et ceux de première nécessité, prônée par le Rassemblement national. Encore une fois, cette mesure coûte cher (11,5 milliards rien que pour les produits énergétiques, selon les calculs de l’Institut Montaigne, et 7 milliards pour les produits alimentaires, selon les calculs de l’iFrap, autre think tank libéral) pour des résultats dérisoires.

Aides ciblées

En 2022, Asterès avait calculé un gain de 113 euros si l’intégralité de la baisse de la TVA était entièrement répercutée au consommateur, ce qui était loin d’être sûr. En Espagne, la baisse temporaire de la TVA sur les produits de première nécessité avait bel et bien été répercutée sur les prix (à 90 %), tandis que la baisse de la TVA dans la restauration en France ne l’avait presque pas été. Encore une fois, la baisse de la TVA profite également aux plus aisés, qui consomment plus. « Il vaut mieux utiliser l’argent public pour mettre en place des mesures ciblées », estime Olivier Redoules, directeur des études chez Rexecode. De plus, « bloquer les prix ou baisser la TVA sur les produits énergétiques comme le carburant va à rebours de l’objectif climatique », ajoute l’économiste.

Reste que, si le RN et le NFP sont adeptes de la « fausse bonne idée », la majorité sortante a, quant à elle, sorti de son chapeau une promesse de hausse du pouvoir d’achat qui n’en est pas une : la baisse de 15 % des factures d’électricité, qui est en réalité déjà actée.


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