Home Politique « Qualifier Jésus d’anarchiste tient de l’anachronisme, mais c’est loin d’être faux »

« Qualifier Jésus d’anarchiste tient de l’anachronisme, mais c’est loin d’être faux »

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Jérôme Alexandre, docteur en théologie et professeur au Collège des bernardins, à Paris, vient de publier Le christianisme est un anarchisme (Textuel, 192 pages, 18,90 euros). Dans cet essai, il déconstruit l’opposition apparente entre un christianisme conservateur et un anarchisme hostile à la religion. Loin de vouloir « christianiser » l’anarchisme (et inversement), il cherche à mettre en avant les affinités qui existent entre ces deux traditions qui interrogent nos rapports à l’autorité.

« Ni Dieu ni maître » est une devise anarchiste célèbre du XIXe siècle. Comment un chrétien peut-il s’en accommoder ?

« N’appelez personne maître, dit Jésus dans l’Evangile, car vous n’avez qu’un seul maître : Dieu. » Cette recommandation pourrait ne satisfaire que la moitié de la devise anarchiste. Or l’idée chrétienne selon laquelle Dieu est l’unique maître possible, loin d’instaurer une autorité absolue imposant une soumission plus dure encore, signifie au contraire l’impossibilité de toute domination.

La seule « demande » de Dieu est d’être aimé librement, ce qui est par définition une demande non dominatrice. Dieu « défait les puissants et élève des humbles », lit-on également chez Luc. Le mot « Dieu », dans l’expression « ni Dieu ni maître », ne peut ainsi s’appliquer qu’à une fausse idée de Dieu.

Le christianisme s’est souvent déployé au sein de structures hiérarchiques et autoritaires, en particulier dans le catholicisme. N’est-ce pas aux antipodes de l’anarchisme ?

Sur la question de l’autorité, tout semble en effet opposer christianisme et anarchisme. Pourtant, si l’on s’interroge un peu profondément sur ce qui fait véritablement autorité, on voit que ce n’est jamais ce qui est institué extérieurement qui s’impose, mais ce qui est enraciné dans la vérité, dans l’authentique, si l’on préfère ce mot. La vraie autorité parle d’elle-même, et quand elle se manifeste, la reconnaître va de soi, s’y conformer n’est plus du tout une marque de soumission servile, mais à l’inverse un bénéfice.

Dans l’Eglise, l’autorité n’est pas celle du pape, des évêques et des prêtres, mais celle du Christ. Et quand le Christ juge et réprouve, ce n’est pas du haut d’un pouvoir posé d’avance ou une fois pour toutes, mais toujours en vue du bien de l’autre et du bien de tous. Les Eglises réformées ont d’ailleurs voulu réagir au contresens qu’était, à la fin du Moyen Age, le comportement d’un clergé qui, au lieu de servir la foi, s’installait dans un pouvoir et le confisquait.

Il y a, en somme deux types d’autorité, l’une authentique, qui procède du bien et qui libère, c’est l’autorité du service ; l’autre fausse, celle qui ne vise qu’à s’imposer elle-même, c’est l’autorité du pouvoir. Cette conception s’accorde parfaitement avec ce que je présente dans mon livre comme étant la seule autorité qu’il faut écouter en dernière instance, celle de sa propre conscience. Fondamentalement, même l’Eglise catholique n’a jamais prôné autre chose.

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