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faut-il supprimer l’octroi de mer ?

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Éviter un embrasement. Déjà trois personnes sont mortes depuis le début des violences en Martinique. Celles-ci ont commencé début septembre avec la mobilisation de la population pour exprimer un ras-le-bol de la vie chère. Selon une étude de l’Insee parue en juillet 2023, les produits alimentaires sont 40 % plus chers en Martinique qu’en France métropolitaine.

Alors que le couvre-feu a été prolongé jusqu’au 21 octobre, les services de l’État, les collectivités locales et les acteurs économiques tentent de trouver une réponse aux revendications du collectif RPPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens), à l’origine des premières mobilisations, qui souhaite un alignement des prix sur ceux de la France continentale.

Six tables rondes ont déjà été organisées entre toutes les parties, sans qu’elles débouchent sur une issue positive. Prévue ce mardi, la septième n’aura finalement pas lieu, faute de « nouvelle proposition concrète et viable », a indiqué, lundi 14 octobre, le président du conseil exécutif de Martinique Serge Letchimy.

Parmi les pistes explorées pour trouver une issue figure une réforme du système de l’octroi de mer, accusé de renchérir le coût de la vie locale.

Qu’est-ce que l’octroi de mer ?

L’octroi de mer est constitué de quatre taxes distinctes, en vigueur en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, à La Réunion et à Mayotte. La taxe historique – qui remonte au règne de Louis XIV –, aujourd’hui dite octroi de mer « externe », concerne les biens importés – y compris de métropole. L’octroi de mer « interne », ajouté plus récemment, concerne les productions locales au-delà du seuil de 550 000 euros de chiffre d’affaires. Moins de mille entreprises ultramarines par an en sont redevables.

De plus, les régions ultramarines ont la possibilité de décider un « différentiel d’octroi de mer » applicable aux biens importés, par rapport aux mêmes biens produits localement, en vue de compenser les surcoûts de la production locale.

À LIRE AUSSI Budget 2025 : et si l’on supprimait le SGPE ? Environ 15 000 produits sont concernés. Les taux varient, et peuvent grimper, dans certains cas, jusqu’à 90 %. Initialement, l’objectif de ce système était d’autonomiser fiscalement les communes et les régions d’outre-mer. Aujourd’hui, l’octroi de mer représente 32 % des ressources des communes.

Plus récemment, afin de justifier ce qui constitue une exception aux règles douanières de l’Union européenne, a été ajouté l’objectif de protéger les productions locales. En effet, les entreprises locales souffrent d’un manque de compétitivité en raison de handicaps structurels au développement économique. Notamment l’éloignement par rapport au reste du marché unique européen, et la proximité avec des pays où le coût de la main-d’œuvre est plus faible. L’octroi de mer est censé combler le déficit de compétitivité des entreprises locales.

Un système qui renchérit le coût de la vie locale

De nombreux facteurs expliquent la cherté de la vie dans les Outre-mer, dont le coût du fret, les marges des importateurs et distributeurs, les effets des rémunérations complémentaires des agents publics, etc. L’octroi de mer contribuerait à ce surcoût dans une proportion « difficilement quantifiable », qui serait comprise entre « 4 et 10 % », estime la Cour des comptes, dans un rapport publié en mars. Or, quelle est la pertinence d’inclure, dans la liste des biens concernés, des biens de première nécessité pourtant peu, voire pas du tout produits localement ?

À LIRE AUSSI Budget 2025 : et si on supprimait… le CeseLes ménages ne sont pas les seuls à subir les effets de cette taxe. Les services publics, qui ont payé 159 millions d’euros depuis 2017 au titre des biens importés, le sont également. « Cette charge a notamment pesé sur les budgets des structures hospitalières, déjà financièrement fragiles, et, au final, sur l’Assurance maladie, relève la Cour. Elle a également affecté les administrations régaliennes, pour l’importation de matériels destinés à des missions de défense et de sécurité des populations ou à la surveillance des frontières. »

Un outil qui ne renforce pas la compétitivité des entreprises

Si l’octroi de mer augmente bien le coût des produits importés, il n’est pour autant « pas conçu comme un outil permettant de renforcer la compétitivité des entreprises et de leurs exportations », note la Cour. Au contraire, comme la liste des produits concernés évolue régulièrement, que les taux appliqués changent eux aussi fréquemment, « l’élaboration d’un modèle économique pluriannuel est, pour les entreprises, complexe, voire aléatoire ».

Cela tend à privilégier les entreprises en place, qui maîtrisent les procédures régionales. La concurrence locale s’en trouve réduite. Résultat : les prix pour les consommateurs locaux ne sont pas tirés vers le bas par un effet de compétition économique, et les productions locales ne résorbent pas leur déficit de compétitivité.

De plus, les recettes fiscales tirées de l’octroi de mer sont principalement affectées aux dépenses de fonctionnement des communes, composées entre 43 % et 57 % de dépenses de personnel. Elles ne sont que très peu affectées aux dépenses d’investissement, pourtant fondamentales pour le développement économique.

Faut-il supprimer l’octroi de mer ?

La Cour exhorte a minima de réformer le système de l’octroi de mer, mais appelle à mener une étude d’impact sur le remplacement de cette taxe par une TVA régionale. Les responsables politiques locaux, eux, ne font pas de la suppression de l’octroi de mer une fin en soi.

Pour le maire de Fort-de-France, Didier Laguerre, il ne saurait être question de le remplacer par une dotation, alimentée par un prélèvement d’une TVA ou autre, car « cela conduirait à terme à une perte d’autonomie financière des collectivités », a expliqué en mars l’édile devant la délégation sénatoriale aux Outre-mer.

À LIRE AUSSI Niches fiscales : quand le robinet d’aides à l’outre-mer coule à flotsSur les 200 millions d’euros du budget de Fort-de-France, l’octroi de mer représente une recette de 41 millions d’euros, « qui ne sauraient être assujettis à des volontés gouvernementales successives de réduire les charges de l’État », souligne Didier Laguerre. En clair, contrairement à l’octroi de mer, une dotation de l’État dépendrait chaque année du bon vouloir du gouvernement.

De plus, la suppression de l’octroi de mer ne réglerait pas nécessairement le problème : « Nous craignons, résume Didier Laguerre, qu’en remplaçant l’octroi de mer par une dotation versée aux collectivités, la diminution du coût des marchandises [importées] soit occultée par une augmentation des marges des acteurs économiques [les distributeurs, NDLR]. »


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