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La Cour des comptes européenne étrille la stratégie de l’UE pour l’hydrogène vert

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Ils ont vendu du rêve aux Européens, et le réveil s’annonce douloureux. Robert Habeck, ministre fédéral et figure des Verts allemands, voyait dans « l’hydrogène un investissement dans l’avenir, dans la protection du climat, dans l’emploi qualifié et dans la sécurité de l’approvisionnement énergétique ». Aujourd’hui, alors que la guerre en Ukraine remet en cause l’approvisionnement en gaz naturel russe, l’hydrogène reste vu comme un eldorado, capable de faire rouler les voitures, voler les avions et même tourner les usines, sans dégager autre chose que de la vapeur d’eau !

Avec lui, l’Allemagne pense sauver sa politique énergétique basée sur l’éolien, que la guerre fragilise… Produire de l’hydrogène quand le vent souffle, le consommer quand il ne souffle plus. Enfin, le pays tient sa miraculeuse solution de stockage !

18,9 milliards d’euros de subventions plus tard, le soufflé retombe brutalement. Après l’Académie des sciences, c’est au tour de la Cour des comptes européenne d’alerter sur l’irréalisme des plans européens. « Les objectifs fixés pour 2030 en matière de production et de demande d’hydrogène renouvelable étaient trop ambitieux » et « dictés par une volonté politique » sans « analyse rigoureuse ».

Pire, ils ont été préconisés « par un document publié par un groupe de pression », Hydrogen Europe, et cosigné par des organisations en lien avec la Chine et l’Arabie saoudite ! La première produit les électrolyseurs nécessaires à la production d’hydrogène. La seconde ambitionne de devenir un leader mondial de l’hydrogène bas-carbone et se voit bien approvisionner l’Europe.

Une technologie dans l’impasse

Les besoins de l’industrie à l’horizon 2030 ont probablement été surestimés, à 4,4 millions de tonnes (Mt), 10 Mt puis 20 Mt. L’Agence internationale de l’énergie (AIE), elle, ne les évalue qu’à 3,8 Mt. À cinq ans et demi de l’échéance, l’ensemble des projets lancés ne devrait permettre que d’atteindre 2,7 Mt. Contrairement aux États-Unis, la Commission n’a pas fixé d’objectif de prix pour l’hydrogène « vert ». Entre 4 et 8 euros par kilo, il est aujourd’hui quatre fois plus élevé que pour l’hydrogène « gris », produit à base d’hydrocarbures et vendu entre 1 et 2 euros par kilo. Une différence difficile à combler et handicapante pour la compétitivité de l’industrie.

Techniquement, les difficultés s’accumulent. Lorsqu’ils sont alimentés par des sources intermittentes, le rendement et la durabilité des électrolyseurs chutent. L’emblématique projet « Masshylia » de TotalEnergies, qui ambitionne d’être l’un des plus grands sites de production d’hydrogène renouvelable en France, a été décalé à 2026, puis revu, suite à ces problèmes de performance et de longévité.

Le procédé réclame une énorme quantité d’électricité. Pour approvisionner l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, il faudrait 3 EPR ! Le transport est complexe et les fuites importantes le rendent illusoire sur de longues distances. Jusqu’à 13 % de pertes lors du transport sous forme liquide par camion-citerne, 7 % lors du stockage sous forme de gaz comprimé, 10 % aux stations de ravitaillement.

Or, l’hydrogène est un gaz à effet de serre indirect : il prolonge la durée de vie du méthane dans l’atmosphère qui, lui, contribue au réchauffement climatique. Un potentiel de réchauffement global 11 fois supérieur à celui du CO2, selon une étude publiée par le gouvernement britannique.

Des complications qui rendent caduques de nombreuses projections, dont en France les scénarios RTE. Notamment celui basé à 100 % sur les énergies renouvelables, qui compte sur 65 TWh de production d’hydrogène en France en 2050.

L’hydrogène vert enterré ?

Pour Ludovic Leroy, ingénieur spécialisé dans la transition énergétique et la décarbonation, « l’industrie a besoin d’hydrogène, pour le bioraffinage et la production d’engrais. Des procédés majoritairement approvisionnés par de l’hydrogène issu des hydrocarbures. Ce sont ces secteurs qu’il faut tenter de décarboner, avant de se projeter dans des applications utopiques ».

Si l’électrolyse semble dans l’impasse, des procédés innovants, comme la plasmalyse du méthane, pourraient prendre le relais. « Un axe de recherche prometteur, malheureusement moins médiatisé que des projets techniquement impossibles », ajoute l’ingénieur.

Tout ceci interroge le bien-fondé des instances politiques à favoriser une technologie, plutôt qu’à transmettre à l’industrie des objectifs de décarbonation. Outre les milliards d’argent public dépensés, le sujet aura, par effet d’aubaine, mobilisé ingénieurs, bureaux d’études et financements privés. Probablement en pure perte. Une faillite politique qui interroge sur la compétence et même sur l’impartialité de ceux qui les conseillent. Le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a, bien malgré lui, illustré cette mauvaise compréhension du sujet, en déclarant en 2020 que « l’hydrogène peut être la nouvelle énergie qui succédera à l’électricité ».

À l’heure où ressurgissent les fantasmes d’une administration capable de guider l’industrie ou de régler le problème climatique, il apparaît clairement que la bonne volonté publique ne peut remplacer la compétence des acteurs du secteur. Les politiques montrent leurs limites lorsqu’ils tentent de se substituer aux scientifiques, aux ingénieurs ou aux industriels. Peut-être devraient-ils plutôt s’atteler à créer un environnement favorable à leur épanouissement.


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