La filière solaire française tristement éclipsée par la Chine

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« Un panneau offert tous les quatre panneaux achetés. » Aussi alléchante fût-elle, cette offre lancée mi-février n’a pas suffi à regonfler le carnet de commandes en chute libre de Systovi. Valable jusqu’au 30 avril, la promotion s’est arrêtée net mercredi, en même temps que l’entreprise de Carquefou (Loire-Atlantique) qui la proposait, placée en liquidation judiciaire par le tribunal administratif de Nantes. « Un vrai gâchis », soupire Fabien, l’un des 81 salariés condamnés par la fermeture du site. Sous le marteau des juges, c’est en effet une aventure commencée dans l’euphorie quinze ans plus tôt, boostée par les incitations fiscales instaurées dans le cadre de la transition énergétique, qui a été sèchement balayée. « Officiellement, on aurait dû arrêter la production ce vendredi, mais on a déjà stoppé les machines car le cœur n’y est plus du tout, poursuit Julien, écœuré. On y croyait, on avait espoir que la souveraineté énergétique de la France reposerait sur ce type de produits, ça n’a pas été le cas. »

De fait, cet épilogue douloureux était inéluctable compte tenu d’une concurrence chinoise particulièrement agressive sur le photovoltaïque mondial. Concurrence qui s’est encore intensifiée l’été dernier lorsque des conteneurs remplis de panneaux « made in China » à prix cassés ont débarqué dans les ports français par milliers avant d’inonder tout le territoire. Résultat, chez Systovi, la demande a été divisée par cinq en quelques mois. Intenable !

« On en est arrivé là car on a laissé la Chine planifier une hégémonie »

Face à cette mainmise asiatique, le directeur général Paul Toulouse n’était pourtant pas resté les bras croisés. Sentant poindre la menace, il avait tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps pour réclamer aux pouvoirs publics des mesures de protectionnisme comme l’ont notamment fait les États-Unis. « On en est arrivé là car on a laissé la Chine planifier une hégémonie, et maintenant on court derrière, déplore le patron. Force est de constater qu’aujourd’hui il n’y a rien eu de fait alors qu’une mesure simple existait. Par exemple, la différence entre le coût global d’un projet avec des panneaux chinois et des panneaux français est d’environ 1 000 euros. Or il se trouve que tous les projets reçoivent une prime à l’autoconsommation d’à peu près 1 000 euros. Conditionner cette subvention-là à l’achat de panneaux fabriqués en France ou en Europe aurait permis de restaurer une égalité de prix. On l’a demandé de nombreuses fois, mais on n’a pas été suivis, alors que cela a été possible pour les pompes à chaleur. »

Même impuissance concernant les marchés publics, où la sacro-sainte règle du moins-disant constitue souvent un obstacle infranchissable. « Pour couvrir un gymnase, nous avions répondu avec des panneaux faits par des gens qui connaissent les toitures françaises en maintenant des emplois qui ont de la valeur ici, mais on s’est retrouvé écarté au profit d’une offre moins chère portée par un industriel chinois. » Pas étonnant, dans ce contexte, que 90 % des deux millions de mètres carrés installés aujourd’hui dans notre pays proviennent de l’empire du Milieu…

Pour rééquilibrer la balance, Bruno Le Maire a lancé au début du mois d’avril un « pacte solaire » qui intégrera, entre autres, le bilan carbone aux cahiers des charges pour favoriser les commandes publiques de proximité. Objectif ? « Produire en France, d’ici à 2030, 40 % des panneaux photovoltaïques que nous utilisons », a indiqué le ministre de l’Économie. Face à un marché encore en jachère en France, où seules 5 % de maisons individuelles (contre 25 % aux Pays-Bas) sont équipées de panneaux, l’annonce n’a, semble-t-il, pas vraiment dissipé le scepticisme des acteurs de la filière. Ceux, en tout cas, qui s’étaient manifestés pour la reprise de Systovi ont fini par jeter l’éponge, faute de garanties claires et immédiates sur l’avenir. « En rachetant l’entreprise, ils seraient arrivés dans le marché tel que nous le connaissons actuellement, avec les mêmes difficultés, ce qui rendait leurs projections incertaines », restitue Paul Toulouse.

Un marché dans lequel subsiste encore Voltec Solar. Installée à une trentaine de kilomètres de Strasbourg, la société alsacienne est désormais le dernier fabricant de panneaux solaires tricolores encore en activité. Jusqu’à quand ?


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