Le 1er octobre dernier, dans le contexte du dérapage du déficit public, qui pourrait dépasser les 6 % du PIB, Michel Barnier prononçait son discours de politique générale. Le Premier ministre a demandé un « effort » pour réduire les dépenses publiques et proposé l’augmentation des impôts de manière ciblée.
Outre l’effort par la réduction des dépenses, il a annoncé « une contribution exceptionnelle » des « Français les plus fortunés ». Il souhaite également lancer un « effort ciblé, limité dans le temps », supporté par les « grandes et très grandes entreprises qui réalisent des profits importants », au nom de « l’exigence de justice fiscale ». Des propos analysés par le spécialiste des finances publiques, François Facchini.
Le Point : Les annonces de Michel Barnier pour régler le problème de la dette vous semblent-elles à la hauteur de l’enjeu ?
François Facchini : Il n’est guère ambitieux d’annoncer 5 % de déficit l’année prochaine, et moins de 3 % de déficit en 2029. C’est le retour du « en même temps » : nous allons dépenser moins, mais le Premier ministre n’a pas vraiment dit où se feront ces économies, et nous allons augmenter les impôts de manière symbolique, ce qui ne rapportera quasiment rien. Ce qui m’inquiète le plus, c’est la liste des chantiers annoncés. La santé mentale, les places de prison, les transports du quotidien… Ce sont autant de nouvelles dépenses.
Son discours est celui d’une droite faible, qui se réfère aux politiques de management public, à l’évaluation et aux gains de productivité. Ces remèdes, appliqués depuis trente ans, ont toujours échoué, notamment parce qu’il est très difficile d’évaluer une politique publique. Le discours de Michel Barnier est un discours de l’ancien monde. Il ne faut pas « mieux d’État », comme le disait Michel Rocard, il faut moins d’État.
Dire qu’on fait des économies, cela ne veut pas dire sacrifier l’éducation ou la santé.
Le Premier ministre a annoncé des hausses d’impôts exceptionnelles et temporaires pour les grandes entreprises les plus profitables et pour les plus fortunés. Qu’en pensez-vous ?
Dès qu’il s’agit de résorber les déficits, de nombreuses voix s’élèvent pour demander au contribuable de payer. Ce n’est pourtant pas une bonne idée. Augmenter les impôts n’est jamais favorable à la croissance. Les acteurs économiques se demandent à quoi bon travailler plus ou investir plus. Cela peut les inciter à renoncer à faire des efforts productifs, ce qui n’est pas bon pour la croissance. Il vaut mieux dire que l’on va baisser la dépense publique maintenant, cela évite aux Français d’anticiper des hausses d’impôts dans les prochaines années…
Michel Barnier promet de lutter contre la fraude fiscale et sociale. Est-ce une bonne solution ?
Les économistes n’y sont pas forcément favorables, car la lutte contre la fraude a un coût. Il faut, par exemple, plus d’inspecteurs pour contrôler… Et puis je pense que les services de Bercy n’ont pas attendu ce discours pour faire leur travail.
Dans quelles dépenses faut-il couper ?
Réduire la dépense publique, cela ne veut pas dire qu’on va faire de l’austérité ou détruire le service public. Dire qu’on fait des économies, cela ne veut pas dire sacrifier l’éducation ou la santé. On peut trouver des dépenses qui ne ciblent pas notre modèle social, dans le budget de la culture, par exemple. Il y a également un gisement d’économies à trouver dans la politique active de l’emploi, dans les aides à l’apprentissage ou dans les aides à la création d’entreprise qui ne sont que de l’opportunisme.
Quelle est la bonne méthode pour y arriver ?
Il ne faut pas hésiter à s’inspirer d’exemples étrangers. D’autres pays ont déjà réussi à réduire leurs dépenses, comme le Canada, les Pays-Bas, l’Irlande, le Danemark ou l’Allemagne… Certes, ils avaient l’avantage de disposer de gouvernements forts, ce qui n’est pas le cas de la France, surtout depuis la dissolution… Ensuite, il faut un leader politique porteur de ce projet, capable de l’expliquer. Il y a urgence : arrêtons avec les discours qui nient le problème de la dette. Cette baisse de la dépense doit aussi être accompagnée d’une vraie politique structurelle qui permettra d’augmenter le taux d’activité, ce qu’ont fait les Allemands ou les Danois. Il faudrait idéalement mettre des freins à l’endettement. En Suisse, par exemple, on ne peut pas faire de déficit dans les périodes d’expansion économique. Et si la France faisait de même ?